PURSUIT OF LONELINESS
Touchant portrait d'une vie bien vide
L'acuité avec laquelle Laurence Thrush observe le monde est impressionnante. Ce réalisateur britannique, dont c'est le deuxième long métrage de fiction après "De l'autre côté de la porte", vient du documentaire et de la publicité. Cela se voit dans la minutie avec laquelle il décrit à la fois un milieu hospitalier déshumanisé et des services sociaux aux missions essentielles, confrontés régulièrement à l'ingratitude et l'oubli.
Car au travers de cette quadruple histoire, au montage habile, c'est la solitude et l'isolement du troisième âge que met en évidence l'auteur. Dans un beau noir et blanc, il donne à voir le travail du bureau du curateur, qui conserve les objets du défunt, ceux de l'assistance sociale qui recherche la famille et se heurte à un effrayant jeu de renvoi de balle entre composantes d'un couple d'amis divorcés, et la quête, plus personnelle, d'une infirmière abattue.
En filigrane, ce sont des moments de la vie de Cynthia, cette vieille dame, qui s'intercalent, montrant son affection pour son chien, sa propension à l'accumulation, mais aussi à la défiance vis-à-vis des autres (la visite des témoins de Jéhovah...), et les petites choses qui la liait encore au monde comme la télévision et le télé-achat. Chaque détail a de l'importance, d'un homme hospitalisé qui réclame de l'eau sans être entendu, aux cadrages où les personnages apparaissent régulièrement dans un coin, ou en transparence, comme si parfois ils n'existaient déjà plus.
Avec une infinie tendresse pour ses personnages, Laurence Thrush montre leur isolement, filmant au ras d'un plan de travail, ou donnant à voir un visage au travers d'une grille. Au final, il dessine un tissu social où l'envie de cohésion et d'entraide persiste chez des personnes de bonne volonté, ceci derrière une tendance à l'individualisme. Et son film, cruel mais réaliste, résonne comme un message d'espoir, un appel lancé aux proches contre l'oubli et comme le terrible résumé d'une vie au travers du contenu d'un appartement.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur