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PROXIMA

Un film de Alice Winocour

Plus près des étoiles…

Sarah rêvait de devenir astronaute depuis toujours. Lorsque l’occasion se présente enfin pour elle de participer à une mission d’un an hors de la Terre, elle se retrouve au cœur d’un entraînement rigoureux au sein de diverses agences spatiales (en Allemagne et en Russie). Mais comment annoncer ce départ à sa fille de 8 ans ? La vie sur Terre continuera-t-elle à tourner normalement une fois qu’elle sera dans l’espace ?

Proxima film image

Alice Winocour aux commandes d’un film de science-fiction ? Tout faux. Pas de science-fiction dans "Proxima" : on ne quitte jamais le plancher des vaches, et cette façon de rester focalisé sur l’intime n’est en rien une démarche à la Tarkovski. Le spectaculaire, lui non plus, n’a pas été retenu pour le vol. Que reste-t-il donc ? Une héroïne, vibrante et tourmentée, que la caméra ne quittera qu’au moment où la fusée qui l’emmènera plus près des étoiles ne sera plus qu’un petit point blanc dans un ciel noir. C’est tout ce qui précède le départ qui intéresse la jeune réalisatrice d’"Augustine" et de "Maryland", et cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on se souvient de ces deux agaçants longs-métrages.

Notre allergie au style Winocour avait ses raisons : une trame confetti, mise uniquement au service d’une immersion concrète dans un contexte précis (ici le film historique, là le thriller), avec le seul souci de masteriser l’environnement exploré comme si ce dernier devait moins être une centrifugeuse à émotions qu’un vivier de velléités pseudo-documentaires. Si l’on s’ennuyait et/ou qu’on ne savait jamais comment se positionner devant les films de Winocour, c’était parce que le réel n’offrait aucune valeur ajoutée – hormis peut-être pour des aigris obsédés par la captation du réel à des fins masturbatoires. Bonne surprise : "Proxima" change la donne. Décrire avec parcimonie les conditions de l’entraînement spatial n’a pas suffi à Winocour, puisque celle-ci s’en sert pour décrire un authentique voyage intérieur.

La réalisatrice n’a certes pas renoncé à ses habitudes de mise en scène (quelques îlots de caméra en mouvement dans un océan de plans fixes), mais elle en tire un avantage pour illustrer l’obsession de son héroïne à ne jamais vouloir quitter définitivement la gravité, ou du moins à en profiter le plus possible avant de pouvoir s’envoler. Il est heureux que la caméra, lorsqu’elle s’attache à enregistrer des actions très concrètes (plongée sous-marine, barbecue entre équipiers, camping en forêt, exercices sportifs, vie de famille, etc…), soit constamment focalisée sur ce point de jonction entre les sphères professionnelles et intimes – cet équilibre constant donne toute sa force dramaturgique au film.

Ce que filme Winocour, ce qu’elle capte, n’est pas tant un état d’esprit qu’une suite de moments-clés où le tellurique et le mystique sont en conflit, où le sensitif revient très vite à la charge pour rappeler à chacun sa condition (méta)physique. Ces très beaux instants du « pré-départ », où les astronautes se ressourcent au contact des éléments naturels, sont à ce titre des plus évocateurs. Quant à cette idée d’un film « renseigné » qui ne perdrait aucun détail de l’environnement visité (on sent en permanence le long travail de recherche effectué avant l’écriture du scénario), elle ne se suffit jamais à elle-même, et ce en raison d’un montage d’une grande musicalité atmosphérique, que la belle photo de Georges Lechaptois et la bande-son planante de Ryuichi Sakomoto élèvent très haut.

Et au-dessus de tout, il y a bien sûr la prodigieuse Eva Green, habitée comme jamais, au jeu concentré et physique à tous les niveaux, dont le regard perçant et le physique délicat sont tous deux exploités pour leur ambivalence. Cette femme déterminée et passionnée que l’on suit jusqu’au bout de son rêve d’enfance a ici un double visage : mère digne et encore attachée à la Terre, petite fille naïve et déjà piégée par les étoiles. La réalisatrice, fascinée depuis toujours par l’espace, s’est projetée en elle et s’est servi du film pour que sa passion traverse l’écran. Avoir envie de lâcher une larme lors du décollage final est bien la preuve qu’elle a réussi son pari.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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