THE PROPOSITION
Le temps du massacre
Australie, années 1880. Ayant arrêté deux des quatre frères impliqués dans le meurtre sordide d’une famille de fermiers, le capitaine Stanley propose à Charlie, le cadet, d’aller retrouver son frère aîné Arthur, cerveau de l’équipe, et de le ramener vivant. À défaut de quoi Mike, le benjamin, sera pendu dans neuf jours…
Cinéaste australien aussi discret que talentueux, John Hillcoat aura été à l’honneur avec les sorties conjointes de ses deux derniers films. Et si l’apocalyptique "la Route" n’a pas forcément récolté tous les honneurs critiques, il y a fort à parier que son précédent long-métrage (tourné il y a maintenant cinq années), s’imprime dans la mémoire des spectateurs pour une très longue durée.
A l’instar de son premier film, le mystérieux et horrifique "Ghosts… of the Civil Dead", "The Proposition" est le fruit d’une collaboration minutieuse et inspirée avec le chanteur et musicien Nick Cave, scénariste et compositeur de la musique. Et c’est peu dire que sa partition irrigue le film, accentuant jusqu’à l’étouffement l’aspect mystique et ésotérique du projet. Passant de l’épique à l’intime, pleine de sonorités aborigènes mystérieuses, la musique de Cave illustre avec efficacité les états d’âme de ses protagonistes, reflet psychologique de plusieurs destins contrariés par le drame qui se joue malgré eux.
Inspiré d’un fait divers brutal (le massacre d’une famille par une bande de voyous psychopathes, au début du XXe siècle), "The Proposition" utilise les codes narratifs (un « shérif » à la poursuite d’une fratrie de hors-la-loi) et visuels (paysages désertiques, lumière crépusculaire) du western, pour dresser le portrait d’une Australie primitive, engluée dans le racisme (voir le traitement réservé aux « noirs » et aux indigènes) et l’incompréhension (entre les Anglais venus de la civilisation et les colons paysans et misérables), dans un traitement mélodramatique proche des exubérances du western italien (dont il retrouve également le goût pour une violence gore et décomplexée). Hanté par un mysticisme propre au paysage australien, interprété par des comédiens habités (dont l’excellent Guy Pearce et le trop rare Ray Winstone), "The Proposition" bouscule et dérange, à l’image de son chef de bande mythique, campé par un Danny Huston ("30 jours de nuit") terrifiant. Puissant.
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur