LE PROMENEUR D'OISEAU
C'est beau quand même, la Chine...
On s’attend à le voir débarquer, le papillon, mais il ne vient jamais, de même que Michel Serrault semble avoir changé de visage : ceux qui ont déjà pu voir "Le Papillon" seront peut-être surpris de retrouver ici un concept quasi similaire et une trame narrative basée sur pratiquement les mêmes ressorts scénaristiques. Drôle d’idée de la part de Philippe Muyl d’avoir recuisiné son propre film à la sauce Suzi Wan, mais le résultat, fièrement vendu comme le premier film d’un réalisateur étranger tourné en Chine et en langue chinoise, n’en reste pas moins l’un des plus beaux voyages de ce mois de mai.
Commençons déjà par préciser que le titre est assez trompeur : là où l’on aurait pensé voir le phénomène des promeneurs d’oiseaux abordé de façon sincère, on sera surpris de constater que l’oiseau n’a ici qu’une place assez sommaire, davantage de l’ordre du prétexte narratif que d’un thème abordé tout au long d’une trame narrative. En effet, l’enjeu central du récit (un vieil homme solitaire souhaite libérer son oiseau au cœur de son village natal) ne s’active que dans le dernier quart d’heure, et laisse entre temps la part belle à un cocon familial, aussi fragile que voué à l’implosion silencieuse, que ce très charmant voyage entre un grand-père aux racines rurales et sa petite-fille citadine va se charger de reconsolider.
Cette touchante histoire compte déjà beaucoup sur le jeu impeccable de ses acteurs et sur les échanges qui s’installent entre eux, souvent générateurs de gags simples et d’une émotion tout sauf calculée (ici, aucune propension au pathos). Mais fort heureusement, Muyl ne s’en contente pas et pose surtout un regard assez fort, pour ne pas dire d’une grande justesse, sur la transformation de la Chine. Au-delà d’une nature idyllique que le réalisateur prend soin de capter sous tous les angles, le film élabore un très beau contraste entre un cadre rural préservé et un contexte urbain bouillonnant. Le découpage du film se charge d’effectuer le lien entre les deux espaces au sein d’un même raccord de plan, donnant ainsi un panorama précis et fascinant d’un pays à double visage, où la beauté peut résider partout si l’on accepte d’aller la chercher. Une sorte d’élixir miracle qui fait son effet jusqu’au bout, si bien qu’on ne regrette jamais le voyage. En définitive, Muyl prend plaisir à nous balader d’un décor à l’autre, pour finalement nous laisser voler lorsque tombe le générique de fin. L’oiseau, c’est nous.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur