LES PROIES
Une œuvre étrange, crépusculaire et torturée
Accueillant dans ce qu’il reste d’un pensionnat de jeune filles, un soldat nordiste déserteur et blessé, deux femmes et cinq adolescentes vont se retrouver nez à nez avec un potentiel ennemi…
Sofia Coppola a fait son retour en compétition au dernier Festival de Cannes, avec l'adaptation du roman de Thomas P. Cullinan (déjà porté à l'écran par Don Siegel en 1971, avec Clint Eastwood en tête d'affiche). Exit le cowboy solitaire, c'est cette fois-ci le sulfureux Colin Farrell qui se retrouve, tel le potentiel loup dans la bergerie, face à tout un groupe de jeunes femmes, pas forcément si sages. Après quatre films cannois ("Virgin Suicides", "Marie-Antoinette" et "The Bling Ring", l'auteur du Lion d'or "Somewhere" poursuit son exploration des tréfonds de l'âme féminine, ses transformations, ses rapports à l'homme, s'intéressant cette fois-ci aux interactions entre femmes d'âges différents, aux aspirations et expériences forcément diverses.
Dès les premières images, l'ambiance crépusculaire s'impose par de sublimes plans sur des allées ombragées, des troncs d'arbres torturés et une brume semi-présente. Un contexte d'isolement dans lequel s'inscrit une immense demeure du sud américain, fantomatique, dont on ne verra côté extérieur que les imposantes colonnes blanches et la grille en fer forgé qui la sépare d'un monde en proie au conflit. Ce monde que l'on ne perçoit qu'au travers du mystérieux soldat ennemi, et des grondements lointains des canons d'une Guerre de sécession qui résonne comme un grondement orageux.
Pendant longtemps, le scénario, diabolique, joue sur la dualité entre peur et attraction, pour mieux distiller progressivement le doute sur le camp où s'exerce la force et celui où s'exerce le charme. Mêlant pulsions charnelles, rapports de force et bal des apparences, "Les proies" mise tout sur une ambiance fin d'époque (très réussie) et sur des interprètes parfaitement vénéneuses. Le résultat, suinte l'inquiétude et s'avère assez captivant, alliant élégance des lieux et de la photgraphie avec un venin qui fait son effet lentement. Le jury cannois ne s'y est pas trompé et a décerné à Sofia Coppola, le prix de la mise en scène.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur