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LE PROCÈS DE VIVIANE AMSALEM

Accusée de ne plus aimer

Depuis trois ans, Viviane Amsalem demande le divorce que son mari lui refuse. Déterminée, elle comparait devant le tribunal rabbinique afin de plaider sa cause et pouvoir enfin recouvrer sa liberté.

Astreinte au silence par une société patriarcale autoritaire, Viviane Amsalem est l’incarnation de la femme israélienne soumise à un dictat religieux encore très présent. Inspiré à l’origine par leur propre mère, ce personnage créé par Ronit et Shlomi Elkabetz est le fil conducteur d’une trilogie marquant les nombreux combats que doit mener une femme mariée pour se séparer de son mari lorsque l’amour n’est plus.

Dans le premier volet, "Prendre femme", Viviane, mère de quatre enfants, est lasse de se résigner à vivre avec un époux mutique et distant. Elle tente de le quitter mais la pression de sa famille la contraint à rester. Plus tard, dans "Les 7 jours", qui réunit tous ses frères et sœurs dans le deuil d’un proche, Viviane, alors séparée, est confrontée aux rancunes et aux non-dits familiaux. Il faudra attendre ce troisième volet, "Le Procès de Viviane Amsalem", pour que l’héroïne puisse enfin espérer, aux yeux de la loi rabbinique, obtenir le « Gett » (parchemin manuscrit qui officie le divorce).

Pour obtenir ce précieux document, Viviane n’est pas au bout de ses peines puisque en Israël le mariage est encore régi par le droit religieux. Or dans la loi juive, seul l’époux a le pouvoir de divorcer. Sans son consentement, la femme ne peut prétendre à se remarier. Pour obtenir le « Gett » les époux doivent passer devant un tribunal qui décidera si oui ou non, l’union peut être annulée. C’est cet épisode charnière de la vie de Viviane que Ronit et Shlomi Elkabetz mettent en scène dans un passionnant huis clos où les parties s’affrontent par l’intermédiaire d’avocats et de témoins interposés.

Dans le décor épuré d’une salle d’audience au mobilier guère plus sommaire qu’une salle de classe, trois rabbins surplombent les plaignants sur une estrade. Telle une criminelle, Viviane doit justifier le fait d’avoir quitté le domicile familial au gré d’audiences sans cesse ajournées face au refus catégorique du mari et de ses absences. S’installe alors un captivant jeu de joutes verbales où les mots fusent, incisifs et poignants, ponctués de silences éloquents. Loin d’être austère et pesant, le débat est souvent jubilatoire quand il oppose la mauvaise foi viscérale des nombreux témoins masculins au franc-parler exalté des quelques rares femmes appelées à la barre.

Ce « procès », biaisé par un parti pris évident en faveur du mari, oscille entre mascarades cyniquement drôles et d’autres moments plus amers. Pour exemple, le témoignage gêné de la voisine qui ne peut s’exprimer pleinement car son mari répond à sa place. Viviane, de son côté, est elle aussi sur la réserve. Elle sait que les dés sont pipés et a bien trop à perdre pour se laisser emporter par son désespoir. Néanmoins, poussées à bout par l’inflexibilité bornée de son mari, elle s’emportera entre rires et rages, lâchant ses cheveux comme pour se libérer du carcan dans lequel elle est piégée depuis tant d’années.

Parfaitement orchestré, ce film on ne peut plus intimiste ne connaît aucun temps mort. Les dialogues ciselés rythment le récit en alternant trois langages : l’hébreu solennel et un mix franco-arabe plus impulsif. La caméra, objective, filme les plaidoiries dans son ensemble, puis de temps en temps s’échappe en champ/contrechamp pour souligner des regards qui en disent long sur la complexité de la relation qu’entretient Viviane avec son époux. Elle pointe une complicité désenchantée, exprimant toute la lassitude de ce couple déjà mort qui peine à expirer son dernier souffle. Un dernier opus magistral qui conclut 20 ans de la vie d’une femme, déterminée à vivre sa vie comme elle l’entend. Poignant !

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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