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LE PRIX DU SUCCÈS

Finesse d'écriture et d'interprétation

Brahim est un jeune comique dont la famille est d'origine maghrébine. Il cherche à s'émanciper de l'influence de celle-ci. De ses sœurs qui jugent trop facilement celle qu'il aime, mais aussi de son frère, jusque-là son manager, mais dont les choix et les réactions le desservent...

À l'écriture, derrière ce drame familial convoquant poids des racines et d’un milieu social difficile, il y a à la fois Teddy Lussi-Modeste et Rebecca Zlotowski, fine observatrice, auteure de "Belle Épine" et du bouleversant "Grand Central". Pour son deuxième long métrage, après le controversé "Jimmy Rivière", Teddy Lussi-Modeste est parti du constat que la réussite était souvent facteur de discordance voire d'explosion des familles ou des entourages de celui qui, tout à coup, a de l'argent ou devient célèbre. Ayant observé les parcours de personnalités issues de milieux défavorisés, tels que Jamel Debouze ou Karim Benzema, et vérifiant ainsi leurs hypothèses, Lussi-Modeste et Zlotowski ont écrit un scénario évitant tout manichéisme, disséquant la complexité des relations avec le proche entourage de l'artiste (ici un comédien de stand-up issu d'une famille maghrébine) dans lequel chacun a sa part de responsabilité, de lâcheté, de déconnection avec sa réalité. Si la trame paraît ainsi classique, la profondeur des personnages témoigne d'une vraie recherche et d'une belle exploration de l'humanité.

Premier rôle de ce "Prix du succès", Tahar Rahim, tout juste exceptionnel, évolue en permanence sur le fil du rasoir au niveau des émotions. À chaque plan il parvient à retranscrire les contradictions qui le traversent, par de simples expressions du visage voire du regard. Il est accompagné de deux seconds rôles parfaitement au diapason : Roschdy Zem, borderline, incarne ici une cocote-minute prête à exploser malgré sa profonde bonne volonté et Maïwenn donne corps à cette compagne issue d'un autre milieu social que chacun alentour regarde avec un mélange de fascination et de suspicion. Ils sont les deux revers du sentiment de trahison qui forcément s'empare à un moment ou un autre du personnage en route vers de plus hautes sphères. Tendu, fulgurant dans ses moments d'altercations, le film fait preuve d'humanité et d'un formidable sens de la direction d'acteurs.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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