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PRISCILLA

Un film de Sofia Coppola

Sortir de l’ombre d’une célébrité

1959, dans une base de l’armée américaine en Allemagne de l’Est. Priscilla, adolescente, dont le père a récemment été transféré ici, voit un soldat et sa femme proposer une soirée chez Elvis Presley, faisant alors son service militaire. Rapidement, elle se rapproche de ce dernier, alors âgé de 24 ans, du fait de leur mal du pays. Jusqu’à un premier baiser et des présentations à ses parents…

Sofia Coppola a toujours été intéressée par la description des relations de jeunes femmes à la célébrité ou la richesse d’un homme, et la manière dont celles-ci pouvaient tout de même trouver leur chemin ou une certaine liberté face aux attendus des hommes, de la société ou des foules. Le portrait de la jeune Reine "Marie-Antoinette" face à son Roi, aux règles de la Cour et à un peuple affamé, celui d’adolescentes fascinées par de riches et célèbres propriétaires et s’improvisant voleuses dans "The Bling Ring", et celui d’une fille d’auteur hollywoodien sulfureux dans "Somewhere", sont autant d’exemples de cette inclinaison. La voici qui réitère l’expérience, au travers du portrait de "Priscilla" Presley, avec laquelle Sofia Coppola s’est longuement entretenue durant la phase d’écriture du film, pour livrer une vision la plus immersive et intime possible.

Avec le niveau de détail qu’on lui connaît, l’autrice nous montre d’abord l’aspect très rangé que la jeune fille, l’introduisant par ses pieds, au vernis à ongle rouge, marchant sur une moquette rose. Une manière sans doute de représenter l’image de glamour qu’elle projetait sur le monde qui allait l’accueillir, tout en incarnant la naïveté initiale du personnage, fantasmant un univers et une idylle rose bonbon. Le scénario n’aura de cesse de renvoyer la jeune fille, bercée par ses illusions d’une relation sans faille, à la dure réalité de la vie avec Elvis (attroupements de fans prêtes à tout, règne et marketing des apparences, isolement lors des tournages ou remises de prix…), tout en soufflant justement le chaud et le froid (billets d’avions pour lui rendre visite, cadeaux hors de prix...), pour mieux nous faire ressentir progressivement son désarroi.

Bercée à des moments clés par des tubes comme « Love me tender » au piano ou « I’ll always love you », ce biopic un peu à part fait finalement presque autant le portrait d’Elvis lui-même en creux, que celui de Priscilla Presley, tant le personnage paraît effacé. La performance de Cailee Spaeny (la mini série "Mare of Easttown"), assez incompréhensible Prix d’interprétation au Festival de Venise en 2023, souffre finalement de cet aspect éternellement lisse et timoré du personnage. Car si l’émancipation de la femme est bien perceptible au fil du récit, dans les détails du quotidien qui sont mis ponctuellement en avant (le désintérêt pour ses goûts, l’interdiction d’avoir un travail, la pression des médias, l’absence de nouvelles directes...), reflétant aussi de manière plus générale les rapports hommes-femmes de l’époque, tout comme la pression sociale qui allait avec, on a tout de même bien du mal, y compris à la fin du film, à trouver au personnage une personnalité consistante. Et il est difficile du coup, de parvenir à la moindre réelle empathie et d’empêcher un certain ennui de nous envahir face au sort de cet espèce de lapin figé, pris les yeux dans les phares d’une sorte de voiture de luxe.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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