LA PRIMA LINEA
Un joli "Romanzo criminale", loin de la violence de "Gomorra"
Après « Romanzo criminale », voici un beau film de gangsters, à l’italienne. Mais ceci n’est qu’une image. Car il s’agit ici d’un épisode vrai, très noir, de l’Histoire de l’Italie, lorsque, dans les années de plomb, des groupes armés de l’extrême gauche (et les Brigades rouges en particulier) faisaient régner la terreur dans le pays et dans le cœur des italiens. Le réalisateur se penche sur l’un de ces groupes : la Prima Linea, qui sévit dans les années 70 jusqu’au début des années 80. Il raconte la déchéance de cette organisation qui prend peu à peu conscience de la chute de ses idéaux.
Le personnage principal du film, Sergio Segio (interprété par Riccardo Scamarcio), est également l’auteur du livre autobiographique adapté pour l’écriture du scénario. Dès le début Sergio Segio a rendu les armes : il se trouve en prison et raconte comment il en est arrivé là, comment il s’est enfoncé dans l’horreur. Il revient sur l’organisation de la libération de sa fiancée Susanna Ronconi (que joue Giovanna Mezzogiorno). Une relation amoureuse née durant ces années noires.
Cette histoire d’amour est d’ailleurs le liant dans l’histoire du film et celle de la Prima Linea. On pourrait accuser le réalisateur de romancer cet épisode de terreur avec une Bonnie et un Clyde parfaitement choisis pour plaire à un public sympathisant, amenuisant les actes meurtriers des deux terroristes. D’autant plus que Riccardo Scamarcio et Giovanna Mezzogiorno sont deux jeunes comédiens italiens en plein boom. Le premier est de tous les bons projets (« Le rêve itailen », « Eden à l’ouest », « Mon frère est fils unique », « Romanzo criminale », « Nos meilleurs années »), la seconde a travaillé avec Wim Wenders (« Palermo shooting »), Marco Bellocchio (« Vincere »), Mike Newell (« L’amour au temps du choléra »)…
Toutefois, le film montre surtout une prise de conscience, celle que les personnages n’avaient plus, cette conscience disparue qui leur permettait d’assassiner des hommes d’affaires et de ne pas voir en eux ce qu’ils étaient aussi : des pères de familles. Tout le film joue sur cette contradiction qui voit des hommes et des femmes cherchant à rendre leur pays plus juste, meilleur, mais en passant aux actes… criminels.
Réveillé, Sergio Segio cherchera alors à prendre la poudre d’escampette avec sa dulcinée, mais son destin était de finir derrière les barreaux… Il y restera 22 ans et ne sortira qu’en 2004. Les frères Dardenne, co-producteurs du film, ont eu du nez quand ils ont proposé leur aide financière pour boucler le budget du film. Renato De Maria réalise, en effet, un film vif, dur, loin de la violence d'un "Gomorra" mais impeccablement interprété, dans la grande tradition du cinéma italien et proche d’une esthétique à la « Romanzo criminale ». Un film historico-politique qui donne envie de se plonger dans les livres pour en savoir davantage sur ce pan de l’histoire trouble de l’Italie.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur