PRÉSIDENTS
POUR : Une petite bulle de cynisme
Ancien Président de la République française, Nicolas a du mal à supporter l’arrêt de sa vie politique. Mais il semble qu’un retour sur le devant de la scène est envisageable. Il lui faut cependant un allié. Il se rend alors en Corrèze afin de convaincre François, lui aussi ancien président mais pour un parti politique opposé, de faire équipe avec lui. Vivant d’abord très bien sa retraite à la campagne, François finit peu à peu par se laisser tenter. Mais Nicolas va découvrir que son bonheur n’est peut-être pas là où il imaginait…
C’est un peu le film surprise de cette rentrée cinéma post-confinement. Un nouveau long métrage signé Anne Fontaine (a qui l’on doit récemment "Marvin" ou "Police"…), au travers duquel se transmet le plaisir indéniable qu’ont pu prendre ses comédiens et comédiennes à parodier gentiment des couples présidentiels plus ou moins fictifs, s’appuyant sur les mots d’esprits et tirades plutôt bien senties de l’auteure. Née durant le premier confinement et tournée sous le second en Lozère, cette fantaisie conserve un rythme et un ton incisif tout du long, même si elle souffre un peu, derrière son discours sur l’addiction au pouvoir, d’un manque d’enjeux sur la fin.
On prend en tous cas un réel plaisir à suivre les turpides réunies de deux ex-présidents, qui peinent à dissimuler à quel point la fonction leur manque. Dujardin impressionne et, sans trop en faire, s’efface progressivement derrière son personnage de Nicolas Sarkozy, accent et expressions du visage à l’appui. Tandis que Grégory Gadebois excelle dans les colères subites d’un Francois Hollande qu’il incarne avec un mélange de distance et de placidité plus que de bonhomie. Certes Anne Fontaine ne s’éloigne pas en soi des images médiatiques des deux personnages publics, mais elle s’amuse avec diverses anecdotes marquantes pour recréer leur improbable alliance (le fameux discours « Moi président » détourné, le karsher, les différentes liaisons…).
Elle parvient ainsi souvent à créer la surprise, en profitant pour souligner à nouveau le peu de place des femmes en politique, l’hypocrisie et l’opportunisme à tous crins (jusque dans les réflexions sur le nom du parti, ou dans les rendez-vous avec le coach de vie - excellent Denis Podalydès, réduit cependant ici au minimum). Mais le film ne serait rien sans les deux personnages féminins, partiellement détournés ou inventés. Si Doria Tillier séduit dans un rôle de Castafiore adoptant des paroles agressives lorsque c’est elle qui compose, Pascale Arbillot tient la dragée haute aux deux comploteurs, en incarnant une vétérinaire à la fois les pieds sur terre et cynique. Entre quelques traits d’humour sur le traitement des immigrés, des réflexions sur le rapport des politiques aux femmes, ou sur les trahisons passées, s’immiscent aussi quelques scènes d’un naturel confondant (la prononciation de EELV, la scène de la photo officielle à deux…) qui font tout le plaisir d’une comédie légèrement irrévérencieuse.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurLe sort de "Présidents" est réglé dès le carton d’introduction. Après qu’on nous ait indiqué que Nicolas ne sera pas aussi petit qu’on l’imagine et que François sera bien plus sujet aux coups de colère qu’on ne le pense, voilà qu’Anne Fontaine avoue laisser au public la responsabilité de croire si le film se veut proche de la réalité ou pas. Est-ce là une tautologie déplacée ou une fausse politesse ? Aucune importance. Quand bien même sa réalisatrice prétendrait vouloir laisser de côté les partis politiques pour se focaliser sur les hommes, cette relecture satirique ne gagne rien à écarter un ou deux détails physiques/psychologiques de la personne réelle à partir du moment où tout le reste demeure à l’écran, imposant et édifiant à la fois.
Les fameux Nicolas S. et François H. sont donc bel et bien au cœur du film : leurs avatars ne sont pas du tout déguisés ou redéfinis, ils ont conservé leurs prénoms et leur bord politique, ils ont des épouses que l’on connaît déjà, ils ont des tics et un physique qui ne mettent pas plus d’un photogramme pour être reconnus, ils ont chacun une dent contre un certain Emmanuel (ici clairement désigné par son nom de famille), etc… Le souci, c’est qu’il est ici question de faire « comme », ce qui revient à forcer le trait jusqu’à se manger le mur de la caricature en pleine tronche.
Le duo vedette n’est clairement pas sauvé par le parti pris : face à un Grégory Gadebois totalement débranché quand il n’est pas relié au fil du survoltage colérique, Jean Dujardin passe en effet chaque scène à singer de façon abusive le phrasé spécifique et les tics verbeux du leader déchu de l’UMP – c’est à se demander si le Musée Grévin a plus d’influence en acting que le Cours Florent. Pour enfoncer le clou, Anne Fontaine va même jusqu’à faire jouer à l’imitatrice Sandrine Alexi un clone très mal grimé de Marine Le Pen, débitant des horreurs à la chaîne et laissant le « président normal » bouche bée face à sa télévision…
Ah non, désolé, on fait erreur : l’épouse de François/Gadebois (une vétérinaire jouée par Pascale Arbillot) lui précise alors que ce n’est pas la « vraie » Marine sur l’écran de télé, mais une imitatrice qui caricature la vraie. Attention, mise en abyme, waow. Ça tombe surtout à plat vu la façon qu’a le film de procéder de même avec ses deux têtes d’affiche et leurs deux têtes pensantes de compagnes. Vous ne trouvez pas déjà ça suffisamment lourd ? OK, pas de souci, on alourdit la sauce : figurez-vous que le stressé Nicolas/Dujardin, motivé à l’idée de toucher du doigt ce qui le stresse et le ramollit dans sa retraite politicienne, se fait coacher par un psy vachement gourou sur les bords, qui est joué par, je vous le donne en mille, Denis Podalydès ! Un nouveau Sarko coaché par l’ancien, il fallait oser !
Au fond, "Présidents" ne fait que manger du même pain que "La Conquête" : rien à dire sur la politique en tant que tel, rien de neuf à évoquer sur la condition même d’animal politique, juste une partition pseudo-satirique à déployer ici et là en guise de programme autosuffisant. La campagne en question, caractérisée par un trait à la fois mince et polissé, ne fait hélas que nous prouver à quel point la réalisatrice de "Nettoyage à sec" n’en finit plus de traiter chaque nouveau sujet avec dix ans de retard : qu’il s’agisse de la police, de la politique, des femmes cougars ou de Coco Chanel, tout repose à chaque fois sur un packaging auquel il ne manque rien et où rien ne dépasse, d’une mise en scène purement fonctionnelle à une écriture illustrative en diable.
Ici, en l’occurrence, ce qui prend le pouvoir se limite à un ton taquin et caustique que les Guignols de l’Info et le Groland ont déjà amplifié mieux que quiconque en vue de tordre l’image médiatique de ces « marionnettes en viande », sans oublier les petites piques destinées à nous resservir leurs casseroles médiatiques respectives comme si cela avait un quelconque intérêt (le culte de la personnalité et l’affaire Bygmalion chez l’un, la normalité ramollo et la valse des compagnes chez l’autre).
Heureusement que les femmes sont là : que ce soit Doria Tillier en néo-Castafiore (Carla ne va pas apprécier !) ou Pascale Arbillot en campagnarde impliquée, elles sauvent les meubles par leur façon d’épicer cette mécanique trop fade et ont au moins le mérite d’éviter à cette campagne vouée à l’échec de finir en-dessous de la barre des 5%. En gros, si vous tenez tant que ça à éviter l’abstention, votez pour elle(s) et oubliez les deux autres.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur