LE PRÉSIDENT
Un conte décevant, pas vraiment à hauteur d'enfant
Le point de départ de ce conte iranien, réinterprétant à sa manière les révolutions du printemps arabe, avait de quoi intriguer, et pouvait servir de base à un brûlot politique doublé d'une véritable épopée. Car après un début sous le signe de la caricature et du cynisme le plus profond (mépris affiché pour le peuple, indécence de la richesse des tenues – ici l'auteur filme la fuite de la famille à hauteur de clinquants talons hauts...), le récit bascule dans le road-movie, avec la fuite du dictateur, resté sur place avec son petit-fils.
Il faut dire qu'au travers de cette échappée, symbole d'une progressive déchéance (d'abord en voiture, escorté par un vigile et par leur chauffeur, ils volent ensuite une mobylette, puis termineront à pieds), c'est à la rencontre forcée entre le tyran et son peuple, que nous convie Mohsen Makhmalbaf. Si l'on découvre de manière un peu simpliste l'étendue des malheurs d'habitants de ce pays imaginaire (un homme condamné pour avoir chanté...), c'est aussi sa générosité, sa capacité à l'entraide qui est ici mise en avant.
Évoquant ainsi de manière indirecte à la fois les problèmes de passage à la démocratie des pays totalitaires ayant récemment connu une révolution, et le cas iranien de la fuite du Shah, l'auteur est allé tourner en Géorgie, et tente de se placer à hauteur d'enfant, espérant peut-être renforcer encore la portée universelle de son film. Mais si le scénario n'évite pas de montrer une certaine violence, il apparaît par moments simpliste, réduisant la notion de pouvoir au commandement des lumières de la ville, et insistant lourdement sur la différence entre actions des libérateurs et des bourreaux (la discussion entre prisonniers blessés, la capture et le sort réservé au dictateur...).
Interrogeant sur la nature-même de la démocratie, appuyant sur le fait que la vengeance ne peut en être une base, Makhmalbaf ne parvient pas à retrouver la finesse et la poésie d'autres de ses œuvres, tel le remarquable « Kandahar ». S'il compose ici aussi quelques plans magnifiques et évocateurs (l'usine avec les gamins, l'enfant réfugié dans un pneu, le déguisement en épouvantail...), il n'arrive pas à rendre la complicité entre le petit-fils et son grand-père véritablement palpable, donnant à voir une détresse de surface, et ballottant le spectateur entre réalisme et conte. Dommage.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur