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POUR TON MARIAGE

Un film de Oury Milshtein

Des moments forts au sein d’une thérapie souvent trop intime

Après s’être recueilli sur la tombe de son psy, Oury Milshtein réunit ses deux ex femmes et leurs enfants pour visionner le film de son premier mariage, avec la fille d’Enrico Macias…

Pour ton mariage film documentaire documentary movie

Il existe une longue tradition de documentaires à la première personne (du singulier ou du pluriel), que l’on pourrait faire remonter aux frères Lumière (dès "Le Repas de bébé" en 1895) et dont se sont emparés, par exemple, Agnès Varda ("Les Plages d’Agnès" entre autres), Eric Pauwels ("Lettre d’un cinéaste à sa fille"), Jonathan Caouette ("Tarnation"), ou plus récemment Éric Caravaca ("Carré 35"), Michel Leclerc ("Pingouin et Goéland et leurs 500 petits") et autres André Bonzel ("Et j’aime à la fureur"). Cette démarche cinématographique, bien qu’intrinsèquement intime, peut étonner et s’empreindre d’une valeur universelle (comme c’est plutôt le cas des exemples pré-cités). Parfois, cela devient plus gênant, comme lorsque la jeune Romy Trajman faisait son auto-thérapie dans "Le Divorce de mes marrants" en 2022. C’est malheureusement ce qui se passe en partie dans "Pour ton mariage", première réalisation d’Oury Milshtein, habituellement directeur de production ou producteur (dont "Sans toit ni loi", chef d’œuvre d’Agnès Varda).

Après la drôlerie d’une introduction originale dans le cimetière du Père-Lachaise (qui sera prolongée avec beaucoup de profondeur dans la scène finale au côté de l’actrice Émilie Caen), le documentaire bascule rapidement – et un peu trop longtemps – dans une alternance entre, d’une part, des extraits du film de mariage d’Oury Milshtein et Jocya Macias, et d’autre part, des discussions en famille après le visionnage de ce même film. Paradoxalement, alors que "Pour ton mariage" semble vouloir interroger l’entre-soi familial ou communautaire, il est fréquemment ardu d’entrer dans ce documentaire si on n’est ni proche du réalisateur (familialement, amicalement ou professionnellement) ni juif. On se sent donc régulièrement voyeurs (à notre insu) ou peu concernés (pour ne pas dire exclus), voire ennuyés.

Malgré les efforts louables des monteurs (Alexandre Donot et Alexandre Westphal, qui avaient fait un travail remarquable sur "Guy" d’Alex Lutz, dont Oury Milshtein était le producteur) et malgré le choix intéressant de la transparence dans le fond comme dans la forme (avec l’impression de voir un film en train de se faire en direct), "Pour ton mariage" nous perd donc de manière récurrente. La faute revient aussi à la volonté affichée du réalisateur de finaliser enfin un film avant de prendre sa retraite, ce qui le conduit à vouloir aborder trop de sujets : la présence étouffante de son beau-père Enrico Macias lors du mariage, le rapport à la judaïté, son expérience de kibboutz, l’histoire de ses parents, l’art de son père (le peintre Zwy Milshtein), sa collaboration avec Agnès Varda, sa relation avec Kate Barry…

L’ensemble paraît donc dérouler trop de pelotes et en perdre les fils à force d’en démêler et emmêler. Heureusement, des scènes marquantes apportent quand même des émotions intenses et c’est particulièrement le cas de celles qui concernent Léah, fille du réalisateur, emportée par la maladie alors qu’elle n’avait que 14 ans. La présence magnétique de cette jeune fille et la force de ces images d’archives (en partie tournées par Léah elle-même) bouleversent tellement que ces passages méritent à eux seuls de regarder ce documentaire malgré les bémols exprimés précédemment. On en vient à regretter qu’Oury Milshtein n’ait pas plus recentré son film sur elle au lieu de donner l’impression de poursuivre sous nos yeux sa psychothérapie qui ne nous regarde guère.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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