POUR LE RÉCONFORT
Cruels règlements de comptes entre « amis »
Orphelins alors qu’ils n’avaient pas 20 ans, Pauline et Pascal ont hérité du grand domaine familial où ils ont grandi. Jeunesse et richesse obligent, ils ont préféré courir le monde plutôt que de rester sur leurs terres près d’Orléans. Quinze ans d’oisiveté plus tard, le frère et la sœur sont obligés de revenir pour vendre leur maison aux enchères car ils ont omis de payer les traites. Ils retrouvent alors leurs copains d’enfance, mais ces retrouvailles sont un peu électriques…
Avec sa grande sensibilité et sa finesse de jeu, Vincent Macaigne est devenu, en quelques années, un acteur incontournable. Chouchou d’une certaine nouvelle vague française, il est toujours à l’avant-garde et mène une carrière que beaucoup lui envient. En parallèle, l’acteur est aussi un metteur en scène qui a fait ses armes sur les planches. Rien d’étonnant alors de le retrouver derrière la caméra pour son premier long-métrage.
À la base, "Pour le réconfort" est une suite d’essais vidéo faits entre copains lors d’un séjour à la campagne. Au visionnage des rushes, Vincent Macaigne est séduit par l’idée d’en faire un film. Trois ans après, le projet aboutit enfin et nous voilà tous impatients de découvrir cette première œuvre cinématographique. Malheureusement, 1h30 plus tard, l’enthousiasme de la découverte a fait place à un profond agacement.
En effet la trame essentielle du film repose sur les jalousies et les rancœurs exacerbées d’un groupe de copains après le retour au pays de deux d’entre eux. Ces derniers, frère et sœur, étaient riches, très riches. Leur jeunesse, ils l’ont dissoute dans une oisiveté décomplexée sans se préoccuper des conséquences. Aujourd’hui, par pur paresse, ils ont perdu leur bien le plus cher : le domaine de leurs parents. Cette propriété est à présent plus importante pour leurs copains d’enfance que pour eux-mêmes.
Cette amitié, qui perdure malgré leur absence, a pris une tournure vénale des plus venimeuses. Le couple interprété par Emmanuel Matte et Laure Calamy, est devenu riche, lui, par pur labeur. Ils jubilent à l’idée de racheter la propriété pour une bouchée de pain, ce qui ferait d’eux les nouveaux maitres du lieu. Or la seule personne à qui ils vont réellement faire du tort, c’est le personnage joué par Joséphine de Meaux, une paysagiste idéaliste sans le sou qui a pu utiliser les terres de Pauline et Pascal pour y planter une forêt en devenir.
Dans cette ambiance on ne peut moins cordiale, les protagonistes s’insultent constamment mais s’obstinent à passer du temps ensemble comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde. Un décalage perturbant vu la violence de leurs propos. En effet, à aucun moment on ne ressent une quelconque nostalgie de leur amitié. Au contraire on a l’impression qu’ils ont toujours été ennemis.
S’en dégage un profond malaise comme si on était pris en otage, le temps d’un weekend dans une maison où on ne connaît personne et où tout le monde s’engueule avec une cruauté non justifiée. C’est d’ailleurs ici que réside le plus gros défaut du film. On se demande à longueur de scènes pourquoi il y a tant de haine et si peu d’empathie sans réelles raisons – et les rares scènes d’émotions ne peuvent enrayer cette sensation. Pour exemple, le monologue larmoyant de la sœur sonne terriblement creux tant son personnage respire tout sauf de la compassion. Ce parti pris scénaristique reste alors une énigme, tout comme le choix du titre du film, tant le sentiment éprouvé lors de la séance réside plutôt dans le subissement d’un réel inconfort doublé, au final, d’une grande déception.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur