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PORFIRIO

Un film de Alejandro Landes

Une justice désespérée

Porfirio est un paraplégique Colombien, blessé par une balle « perdue » tirée par un policier durant la guerre civile. Ayant demandé réparation, il passe son temps à attendre des nouvelles de son procès, mais n'arrive jamais à joindre son avocat...

Alejandro Landes, dont le premier long « Cocalero » était un documentaire, passe aujourd'hui à la fiction, repoussant, par son parti pris de base, les limites entre réalité et fiction. En effet, non seulement le réalisateur colombiano-équatorien choisit de partir d'un fait divers, mais il passe plus de temps à observer le moindre détail de la vie de son personnage (Porfirio) qu'à reconstituer ce qui sera son action la plus marquante. Mais par-dessus tout, Landes a choisi de prendre comme acteurs les vrais protagonistes - Porfirio Ramírez et sa femme, Jarlinsson -, ce qui ajoute encore au trouble que provoque le film.

Durant les trois quarts du métrage, Landes accompagne le quotidien répétitif et peu enviable de Porfirio, lutte permanente d'un homme avec un corps qu'il est incapable de contrôler, hormis dans sa partie supérieure. Dépendant des siens (sa femme, son fils) pour faire ses besoins, se lever, prendre une douche, il ne quitte pratiquement jamais son fauteuil roulant déglingué, à part pour s'allonger sur un matelas dans l'entrée ou dans son lit. La maison étant ouverte aux quatre vents, Landes s'adapte avec intelligence aux lieux et pose sa caméra, tantôt en observateur extérieur (les vues depuis la rue, lorsque Porfirio vend des minutes de téléphone portable, celles depuis le haut du mur mitoyen, tel un voisin qui épie, durant la douche...), tantôt en témoin intime (les scènes d'amour, érection véritable en prime...).

Malgré tout son malheur, Porfirio a les yeux qui par moment pétillent de joie. Il sait la chance qu'il a d'être marié à cette femme, d'avoir cette famille. Ce bonheur malgré tout, Landes le capte à merveille, dans les nombreux silences et les gestes qui tentent de mettre de côté la gêne, et au travers d'une mise en scène millimétrée qui redonne à son personnage un corps entier, grâce à de beaux plans zénithaux. Mais dans le fond, « Porfirio » se pose également en film politique. Aspect esquissé dans la première partie, avec les quelques coups de fils ratés, passés à un avocat fantôme, c'est dans la seconde que cette dimension prend peu à peu son sens. Landes observe toutes le contraintes qui s'opposent à lui : rues et trottoirs inadaptés, bureau de l'avocat inaccessible, rendez-vous manqués, fauteuil roulant qui se délite... La rébellion se profile et prendra une tournure inattendue, jusqu'à l'épilogue, édifiant, qui confirme que l'homme ne baissera pas les bras. Courageux.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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