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POLINA, DANSER SA VIE

Pour les amateurs de danse, pas de cinéma

Russie, années 1990. Poussée par ses parents, la jeune Polina se forme à la danse classique. Repérée puis entraînée par l’impitoyable Bojinski, professeur émérite qui incarne par sa fermeté toute la rigueur de l’école russe, elle s’apprête à intégrer le prestigieux ballet du Bolchoï. Mais la rencontre avec un beau danseur et la découverte d’une danse plus contemporaine la détournent de ce chemin tout tracé…

Adapté d’une bande dessinée à succès, dont il reprend la trame en la tronquant quelque peu, ce long métrage a de quoi attiser la curiosité. Comment le couple Müller-Preljocaj (elle cinéaste, lui chorégraphe de renom) allait-il bien pouvoir mettre en scène cette biographie fictive d’une danseuse en plein apprentissage de la vie ? Comment réussir ce mélange harmonieux, plus facile à dire qu’à faire, entre parcours de danse de haut niveau, qui ne souffrirait d’aucune approximation performative, et récit psychologique nécessitant une bonne interprétation ? La réponse réside dans le choix de l’actrice principale, Anastasia Shevtsova, à la fois danseuse et comédienne de très haut niveau. Habitant chaque scène de sa présence gracieuse et de son regard cristallin, mêlant douceur et dureté, elle est parfaitement crédible dans son personnage.

Or une bonne interprète suffit-elle à faire un bon film ? Assurément, cela permet d’offrir de bons moments aux passionnés de danse. Mais en matière de cinéma, difficile de s’en contenter : "Polina", pas le personnage mais le film, manque cruellement de style. Un sacré paradoxe, quand on sait qu’il est question de la naissance d’une artiste et de son émancipation créatrice à travers les épreuves et rencontres de la vie ! On assiste ainsi à une succession de séquences de vie sans parti-pris de mise en scène ni profondeur émotionnelle, entrecoupées de scènes de danse qui présentent certes un intérêt narratif et formel, mais ne suffisent pas à véritablement embarquer le spectateur. L’ensemble apparaît quelque peu surfait, à l’exception peut-être du dernier tiers du film, où les égarements du personnage principal font (légèrement) dérailler cette mécanique bien huilée et où le sujet du film s’exprime enfin.

Reste que si le spectateur sort de là un peu las, on ne doute pas que les artisans du film ont pris du plaisir. D’abord les réalisateurs, qui trouvent ici l’occasion de mêler leurs passions que sont la danse et le cinéma. Ensuite Juliette Binoche, dont on connaît les penchants pour la danse depuis maintenant quelques années et qui exécute elle-même quelques enchaînements. Elle incarne une chorégraphe contemporaine réputée, charismatique et autoritaire. Une maigre consolation, mais une consolation tout de même.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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