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POLICIER, ADJECTIF

Un film de Corneliu Porumboiu

Somnifère, nom commun

Un inspecteur de police est chargé de la filature de trois jeunes soupçonnés de consommer du Haschisch. Pour des considérations morales et estimant que la loi interdisant la consommation de drogue douce est obsolète, l’inspecteur Cristi ne veut pas faire « tomber » un jeune consommateur et fait tout pour éviter le flagrant délit exigé par son supérieur hiérarchique...

Le cinéma Roumain, ça vous dit quelque chose ? Comment non ? C’est celui qui est en plein boom ma pauv’ dame. Prenez le plus grand festival au monde : Cannes. Chaque année le cinéma Roumain est couronné. Ça a commencé en 2004 avec la Palme d'Or du court métrage remise à « Trafic » de Catalin Mitulescu ; en 2005 « La Mort de Dante Lazarescu » de Cristi Puiu reçoit le Prix Un Certain Regard ; puis Corneliu Porumboiu remporte la Caméra d'Or en 2006 avec son film « 12h08 à l'est de Bucarest » ; en 2007, c’est carton plein avec « California Dreamin’ » de Cristian Nemescu (Prix Un Certain Regard) et surtout avec « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » de Cristian Mungiu consacré Palme d’Or ; en 2008, autre Palme : celle du court-métrage pour « Megatron » de Marian Crisan ; et l’année dernière le prix du Jury à Un Certain Regard a été attribué à « Policier, adjectif » de Corneliu Porumboiu, réalisateur une nouvelle fois primé.

Non, la Roumanie ne se limite pas au peuple Tsigane avec ses enfants dépenaillés et ses vieilles femmes qui tirent les cartes. Il y a d’autres souffrances en Roumanie qu’il est bon de découvrir. Tous ces films primés sont fortement à conseiller car ils nous en apprennent beaucoup sur la vie de ce peuple, sur son système politique, hospitalier et policier. Toutefois, ce nouveau film sur nos écrans, « Policier, adjectif », pourrait être celui que l’on pourrait conseiller avec de plus grandes réserves.

Corneliu Porumboiu a réalisé un film d’auteur, minimaliste, sur le quotidien ennuyeux d’un policier en filature, qui doute d'un métier en lequel il n’a plus foi. Ses plans-séquences alternent de longues scènes vides et muettes (et soporifiques) avec d’autres qui se prennent la tête sur les paroles idiotes d’une chanson ou sur le sens des mots pris dans le dictionnaire.

La scène du dictionnaire est un moment important du film. Elle renvoie étrangement à un épisode peu glorieux de notre pays où Le Petit Robert français avait caricaturé la Roumanie à partir d’une photo montrant un peuple pauvre et sale. L’histoire avait fait grand bruit obligeant la direction du Petit Robert à faire des excuses publiques au peuple roumain tout entier. Dans « Policier, adjectif », il n’est pas directement question de cet fait, mais la scène rappelle que les images et les mots, leur définition, leur poids et leur pouvoir peuvent être grands et peuvent avoir des conséquences fortes à des échelles différentes.

Le film porte enfin un regard critique sur la bureaucratie qui envahit le quotidien des policiers et questionne sur la justice et le rôle de la police dans l’application de la loi. Au casting de ce film à l’action minimaliste mais au discours lourd de sens, les très justes Dragos Bucur (« Boogie », « L’homme sans âge ») et Vlad Ivanov, acteur fétiche de Cristian Mungiu. Ils sont parfaits dans les plans-séquences. Dommage que le réalisateur en use et en abuse. Celà rebutera certainement plus d’un spectateur.

Les scènes « d’attente » nous renvoient aux plus interminables salles d’attente de n’importe quelle administration française et les filatures durent mais duuuurent tellement, qu’elles donnent davantage envie de se faire la belle que de voir comment elles vont finir. Bref, si la réalisation est en soi un véritable parti pris audacieux et compréhensible, elle risque d’ennuyer puis de décourager les plus fervents défenseurs des films « où il ne se passe rien »… Dommage, il y avait, par-ci par-là, de vrais moments de comédie qui donnaient beaucoup de charme au film.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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