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LE POIRIER SAUVAGE

Un film de Nuri Bilge Ceylan

Une sublime mise en scène

Sinan, de retour dans son village natal d’Anatolie, tente de trouver l'argent pour publier l’un de ses écrits, un "essai libre et personnel". Mais les dettes de son père et les refus multiples l'obligent à envisager une autre voie...

Auteur de la palme d'or 2014 "Winter Sleep", grand prix pour "Uzak" en 2003 et "Il était une fois en Anatolie" en 2011, également prix de la mise en scène en 2008 "Les Trois singes", Nuri Bilge Ceylan est, cette année, reparti bredouille du Festival de Cannes, où il présentait le pourtant magnifique "Le Poirier sauvage". Récit à la fois lent et intense dont il a le secret, le film aligne de longues discussions en famille ou dans la nature, propre à conter en second plan l'état de son pays : la Turquie.

Centrant ici le récit sur un jeune homme revenant dans son village et confronté à la fois aux dettes de son père et à l'impossibilité d'éditer son premier roman, le cinéaste met en évidence les multiples tracasseries administratives, la cloche sous laquelle est maintenue la culture, le poids de la tradition, l’influence d’une religion omniprésente et l’importance toujours aussi pesante de la réputation. Ici, tout n'est qu'obstacle pour son personnage, dont il décrit avec subtilité les élans, la persévérance et l’épuisement progressif. Montrant une jeunesse tentée par le défaitisme (la conclusion est en ce sens particulièrement troublante...), il préfère cependant l’idée d’une certaine combativité et d’un espoir persistant, faisant écrire à son personnage une phrase étendard : « On peut survivre partout, si on aime ce qu’on fait ».

Bien entendu les dérives actuelles de la Turquie sont ici mises à jour, à travers certains personnages croisés au fil du film : le mépris pour les gens éduqués (la scène avec le carrier…), la tentation du repli religieux (le magnifique plan séquence où les trois jeunes gens, dont un imam, échangent librement sur la religion)... Mais l’atout principal du film est sans doute la manière dont Nuri Bilge Ceylan met en scène l’automne, crépuscule d’une année (comme d’un pays), composant des plans somptueux aux couleurs apaisantes. Il filme ainsi au passage l’une des plus belles scènes d’amour jamais vues. Captant les élans de son héros et d’une jeune femme promise à un autre, abrités sous un arbre, il utilise des zooms soudains et des plans à travers les feuillages, donnant au spectateur la sensation d’avoir lui aussi le visage balayé par le vent. Magique.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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