Festival Que du feu 2024 encart

PLEASURE

Un film de Ninja Thyberg

Engrenages

Bella, 20 ans, suédoise, débarque aux États-Unis pour ses loisirs. En réalité, celle-ci est bien décidée à percer dans l’industrie du porno, et va tout faire pour parvenir à ses fins le plus vite possible…

Pleasure film movie

"Pleasure" s’ouvre avec malice sur un écran noir, entrecoupé de gémissements, bruits de copulation, et insultes débitées par des hommes. Sans transition, on découvre son héroïne en train de passer la douane, alors qu’on lui demande si elle est là « for business or pleasure » (pour le travail ou les loisirs), sa réponse à double sens (for pleasure) résumant de manière abrupte l’image qu’elle a du métier auquel elle espère se donner toute entière. Une vision que chacune des scènes, des rencontres, l’entraînant vers des rapports sexuels de plus en plus crus, mécaniques et avilissants, va se charger de faire évoluer, jusqu’à sa décision finale, aussi abrupte que tout le reste du film.

Prix du jury fort mérite au dernier Festival de Deauville, l’histoire de Bella Cherry (elle en porte le nom, comme le tatouage) dérange par ses aspects quasi documentaires, disposant en permanence l’insouciance de la protagoniste comme élément de conclusion de chaque « essai ». De selfies avec du sperme chaud sur le visage, en soirées faussement mondaines où chacune ou chacun cherche à se placer, c’est aussi la complicité de la femme dans l’effacement de toute autre existence que par son corps, qui est progressivement mise en avant, dans ce désir de se distinguer en allant toujours plus loin.

Intelligent, ce parcours d’une femme vers une image papier glacé, souillée sur l’arrière par la perpétuelle recherche de transgression, en dit aussi long sur bien des sujets liés au rapport au sexe et à l’apport du porno. Il montre à la fois la domination masculine, la difficulté de dire "Non" (une scène assez insoutenable de trio violent…), les hypocrisies racistes (le fameux « interracial », lors d’une scène de DP - ou double pénétration) ou encore le viol comme fantasme idéal. La conclusion enfonce d’ailleurs le clou alors que la mentalité masculine d’avilissement prend le dessus chez l’héroïne elle-même. Un film douloureux, fascinant, dérangeant, mais nécessaire.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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