PLAY
Portrait sensoriel, social et contemporain d’une ville en abîme
Dans une métropole moderne, deux êtres cherchent l’amour et ne parviennent pas à se trouver. C’est l’été à Santiago et la vie parfaite de Tristan se décompose. Sa copine le quitte, son travail est interrompu par une grève et son sac volé… De l’autre côté de la ville, le rythme tranquille de Cristina est lui aussi perturbé. Elle trouve le sac dans une poubelle et pénètre ainsi dans le monde de Tristan grâce à ses écouteurs et sa musique, en fumant ses cigarettes et en devenant le témoin silencieux de sa chute. Cristina et Tristan errent à la recherche l’un de l’autre dans la ville polluée et suffocante, sans jamais se trouver..
Play est un film surprenant, en ce qu’il est à la fois anodin dans sa présentation du quotidien social fait de petits rien, et global car ce quotidien est celui de la vie de tout le monde. Un film qui s’attache à définir l’essence de la vie au travers de l’existence des autres mais aussi et surtout par le biais de la perception sensorielle. Grâce à Cristina (Viviana Herrera) le film est guidé par un fil auditif, tactile et olfactif présent dans chacune des scènes. Dans les entrailles de Santiago, on suit cette jeune Mapuche à la fois si actuelle et si typée, à la recherche de Tristan, fumant cigarettes sur cigarettes, les écouteurs sur les oreilles, enjambant les images et les scènes du film tel un clip vidéo.
Play pose des questions sur l’identité en Amérique Latine. Avec la technologie et l’économie globale, plus le monde se rétrécit et plus notre horizon s’éloigne, plus la perception de notre identité devient diffuse et complexe. Comment font les gens issus d’une culture ancestrale et forte pour vivre dans un monde qui n’en tient pas compte ? Est-ce qu'une jeune fille Mapuche vivant en ville doit s'identifier d'avantage à sa grand-mère habitant la campagne pluvieuse, ou à son héroïne de jeux vidéo japonais ?
Grâce à la découverte de la mallette, remplie d'indices, de codes secrets Cristina va pouvoir devenir espionne dans ce territoire inconnu qu’est la ville des autres. Pour son premier long métrage, Alicia Scherson scrute les protagonistes, leur identité, qui eux même scrutent et avalent la ville comme s’ils en cherchaient le sens, les raisons. Au fil des scènes, ils se heurtent aux limites matérielles et sociales de cette capitale à l’identité hybride. Un film où l’on se laisse facilement bercer et chahuter par ce bain citadin irréel.
Lisa AllardEnvoyer un message au rédacteur