PIERRE LAPIN
Les carottes sont cuites !
Comme il est bien plus célèbre dans le monde anglo-saxon qu’en France, il est sans doute utile de présenter un peu "Pierre Lapin", qui est d’abord d’un livre pour enfants, imaginée par Beatrix Potter à la fin du 19ème siècle. Si l’auteure avait refusé en 1938 une adaptation par Disney, son œuvre a bien fini par être adaptée à plusieurs reprises (et la vie de Beatrix Potter elle-même a été portée à l’écran en 2006 sous le titre "Miss Potter"). La plus récente adaptation, avant ce film, est une série animée en 3D du même titre que les Français les plus jeunes connaissent bien, puisqu’elle est diffusée sur France 5 depuis 2013. Et comme cette série est de qualité, la comparaison est forcément rude pour cette tentative cinématographique.
Bien que produites par des sociétés différentes, la série et le film proposent une esthétique assez proche pour les personnages, et c’est bien le seul aspect pour lequel le long métrage peut se vanter de dépasser son prédécesseur télévisé. La volonté d’intégrer les personnages à des images réelles (contrairement à la série qui est animée à 100%) a en effet poussé les animateurs à créer un magnifique rendu des animaux, notamment en termes de regards et de textures des poils. Les autres atouts résident dans le choix d’une mise en abîme par l’introduction de Beatrix Potter elle-même parmi les personnages et par l’utilisation d’une animation 2D pour les flashbacks en clin d’œil aux dessins d’origine.
Malheureusement, l’histoire sent tellement le réchauffé que l’on a un peu l’impression d’assister à un "Maman, j’ai raté l’avion" lapinesque, à base de chutes, de poursuites, de pièges et de surenchères en tous genres, parfois grotesques. Même les enfants ciblés (test à l’appui) ne sont guère réceptifs dans l’ensemble, d’autant que beaucoup s’attendent à retrouver l’univers de la série télé et que les scénaristes du film s’ajoutent à la longue liste de ceux qui n’ont jamais compris que certains éléments d’intrigue ne sont guère pertinents pour les enfants – c’est par exemple le cas de l’ambition professionnelle démesurée du personnage de Domhnall Gleeson. Quant aux adultes, quelques gags leur sont destinés (et certains fonctionnent) mais ça n’est largement pas suffisant pour faire passer la pilule !
Si la série animée sait associer dynamisme et tendresse, et parvient à conserver une atmosphère chaleureuse malgré la 3D, ce film a tout faux ! Tout est soit prévisible, soit poussif, soit totalement incohérent. L’univers semble constamment anachronique (on est à quelle époque, bon sang ?), la relation que nouent Thomas et Beatrix tient plutôt du mariage de la carpe et du lapin (ce qui est finalement logique pour un film de lapin qui laisse muet comme une carpe…), Domhnall Gleeson est franchement agaçant (alors que Rose Byrne s’en sort mieux), et allez savoir pourquoi, son personnage finit par développer, dans la dernière partie du film, la capacité de comprendre ce que disent les lapins ! Trop, c’est trop, la carotte est bien trop grosse pour être gobée…
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur