PIÉGÉ
Elle explose quand, la mine ?
C’est peu dire que l’on baille devant ce film. Mais à bien y réfléchir, on voit mal comment il aurait pu en être autrement : réussir à tenir un suspense de 75 minutes autour d’un soldat français bloqué debout sur une mine en plein désert afghan tenait à l’avance du pari impossible, du moins sans y inclure une suite de déviations temporelles et sensorielles comme avait su le faire il y a trois ans Danny Boyle avec "127 heures". Pour son premier film, Yannick Saillet ne se contente donc de rien d’autre que son concept (original, il est vrai) et, hélas, d’une situation qui n’évolue jamais sur toute la durée du métrage. Tout commence d’ailleurs très mal, par une introduction si désastreuse que l’on pourrait presque considérer Yannick Saillet comme étant un pseudonyme d’Uwe Boll. Le temps d’une présentation d’une poignée de soldats qui frise le bâclé, de quelques dialogues lourdingues qui ne sonnent jamais juste et d’un assaut (très mal filmé) où les balles de fusil FAMAS font autant de bruit qu’un pétard de carnaval, ça sent déjà le roussi. C’est pourtant dès que le héros (joué par Pascal Elbé) met le pied sur la fameuse mine que le cauchemar commence. Le nôtre.
Pour résumer le problème, un comparatif s’impose. En 2003, Joel Schumacher avait réussi un pari dingue avec "Phone Game" : tenir 80 minutes avec un homme piégé dans une cabine téléphonique, tenu en joue par un mystérieux sniper. Un suspense dont la réussite totale devait autant à l’aspect kaléidoscopique de sa mise en scène (qui multipliait les points de vue par l’usage du split-screen) qu’à la présence de deux personnages (dont l’un était invisible) au schéma interne sans cesse remis en question : en termes de stress permanent et de scénographie dynamique, on tenait là un sacré coup d’éclat. L’erreur de "Piégé" est justement de ne rien poser en face de son protagoniste, ici forcé de se démerder par lui-même. Vu qu’il ne peut ni s’asseoir ni bouger (hormis se pencher pour ramasser un téléphone), et qu’une femme-otage se trouve ligotée et bâillonnée à proximité (même situation que lui, donc), aucune dynamique ne s’installe et son sort finit presque par nous laisser indifférent.
Plus le héros subit la fatigue et la sueur, plus on ressent l’envie de se lever de son siège : en cela, le film atteint paradoxalement son but d’être un film éprouvant. Mais en aucun cas il n’arrive à être autre chose qu’un énième concept de huis clos à ciel ouvert, ici jamais transcendé par la mise en scène et le jeu de son acteur principal. Ajoutez à cela un Laurent Lucas au look « madmaxien » qui surjoue chacune de ses répliques comme un cochon, un final plus que prévisible, et vous aurez une idée du calvaire. On ne sauvera du résultat qu’un seul petit détail : certains paysages désertiques sont très souvent mis en valeur par des cadres maîtrisés. Preuve que ce jeune cinéaste ne serait pas exempt de talent s’il pouvait se concentrer sur un scénario plus étoffé.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur