PHÉNOMÈNES
Du style, mais plus de twist
Un mystérieux phénomène se déclenche autour de Central Park Des passants s’immobilisent, ont des troubles de la parole, puis se suicident, de différentes manières, en fonction de ce qu’ils ont sous la main: revolver, épingle à cheveux, vide où sauter, corde, tondeuse à gazon… Pour Elliot, professeur de physique et sa femme, comme pour des milliers d’autres, la fuite s’organise, espérant échapper à l’ « épidémie », en s’éloignant…
Pour qui apprécie le cinéma fantastique, unnouveau film de Shyamalan est toujours un événement. Parce que le réalisateur du « Sixième sens » a lui même un sens inné des cadrages et du suspense. Il le démontre à nouveau, dans la manière d'amener les différentes morts du film, méticuleusement, avec une lenteur clinique, suggérant pour finalement mieux montrer. Parce qu' également, ce réalisateur sait parler au coeur du spectateur, l'interpeller par des personnages ébranlés dans leur foi (le prêtre dans « Signs » ou les chefs du « Village ») ou leurs ressentis intimes (le héros d' « Incassable » ou le jeune renfermé du « Village »). Parce qu'enfin ses films offrent régulièrement des lecteurs multiples, aux messages politiques ou environnementaux.
Oubliée donc l'erreur « La jeune fille de l'eau », conte horrifique pour enfant, dont la complexité en avait égaré plus d'un: place à l'enfer des adultes avec ces « Phénomènes », aussi mystérieux dans leurs causes, qu'impressionnant à l'écran de par leur portée universelle. Suicidés involontaires, les humains du film font peur, forcément. Car la mort fait peur, d'autant plus qu'elle peut arriver partout, à l'aide de n'importe quel instrument. Si le scénario de Shyamalan est jalonné de mort, il sait aussi donner des indices sur les causes de ces évènements, construire des hypothèses, et faire part au mystère, tant vanté comme une composante de la sience elle-même. Exit donc le twist final, voire l'usuel double fin, permettant la double lecture.
Ici le message est clairement politique. L'homme est-il conscient qu'il détruit la planète? Et réagira-t-il uniquement lorsque cette dernière se rebellera. Au discours environnementaliste, parfois trop appuyé, s'ajoute sur la fin de jolies paraboles politiques sur l'isolationnisme des Etats Unis, comme c'était déjà le cas dans la terrifiante fin de l'excellent « Village ». L'individualisme, qui paraît un moment une solution, en prend lui aussi pour son grade, tout comme les adeptes du port d'armes. De quoi changer les mentalités? Pas sûr, d'autant que le film risque de décevoir ceux qui ne supportent pas l'inexpliqué.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur