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LA PETITE VENISE

Un film de Andrea Segre

La serveuse et le pêcheur

Shun Li travaille comme serveuse dans une petite trattoria de Chioggia sur la lagune de Venise. Grâce à son permis de séjour, elle espère faire venir son fils de huit ans resté en Chine. Très vite elle se lie d’amitié avec un vieux pêcheur Bepi...

Le cinquième jour du cinquième mois lunaire, la Chine célèbre la fête du Duanwu. À cette occasion, certaines ethnies disposent à la surface de l’eau des bougies flottantes. Elles commémorent ainsi la mémoire de Qu Yuan, un poète d’une intégrité exemplaire qui préféra l’exil à son roi corrompu. 1500 ans plus tard, un petit lumignon rouge flotte sur l’aqua alta (inondation fréquente dans la lagune vénitienne). Cette petite lueur célèbre la profonde amitié qui lie Bepi (né yougoslave) à Shun Li, deux exilés sensibles et poètes qui aiment échanger leur souvenirs au fil de l’eau.

Voilà un film comme on en voit rarement, un film tout simple sur l’amitié belle et sincère. Celle de Bepi avec ses copains. Leurs réparties autour d’une partie de cartes sont savoureuses et rendent chacun des protagonistes joliment attachant. Mais aussi l’amitié de Li avec une autre immigrée chinoise qui partage sa chambre. De prime abord assez froide la relation qui unit les jeunes femmes dévoile progressivement un précieuse fraternité. Enfin, trame principale du récit, l’attachement sans aucun sous entendu qui unit Bepi à Li. La mise en scène sensible retranscrit avec naturel les silences et les sourires timides des ces deux personnages, tout heureux d’avoir trouvé un compagnon à qui se confier.

À l’image des cabanes de pêcheurs suspendues au dessus de l’eau dans un fouillis de bric et de broc, les destinées de Li et Bepi vacillent, tributaires de la vieillesse et du déchirement. Pourtant elles restent à flots, contre vents, marées et intolérance. Dans ce petit village, l’arrivée de cette serveuse chinoise attise la curiosité des habitants, peu habitués aux étrangers. La conjoncture économique qui dessert le petit port de pêche exacerbe les rancœurs et met en danger l’intégration de Li au travers d’un personnage : Devis (Giuseppe Battiston). Hargneux, et résolument fasciste, ce dernier emmène l’histoire dans un registre nettement plus dramatique.

Comme les histoires d’amour, les histoires d’amitié prennent de l’envergure une fois qu’elles sont menacées. Andrea Segre conjugue ainsi habilement la beauté du récit avec son côté sombre. Il en est de même pour le décor du film. Le choix de Chioggia, petite “Venise” aux alentours de l’originale, offre l’horizon sublime du soleil italien sur la lagune tout en évoquant les répercussions de la crise. Le film offre ainsi la vision singulière d’un monde en mutation au travers de deux personnages différents et si proches à la fois. Une œuvre sensible et joliment attachante.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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