PETIT PAYSAN
Tout sauf un petit film !
Pour son premier long métrage, Hubert Charuel a décidé de replonger en enfance, plus précisément dans l’univers agricole dans lequel il a grandi. L’histoire est ainsi celle de Pierre, un jeune éleveur de bétail. La trentaine fraîche, il accorde tout son temps à la quarantaine de vaches dont il a la responsabilité, sacrifiant amis, famille et relations sentimentales pour le bien-être de ses bêtes. Véritable plongée au cœur d’une ferme, le cinéaste capture à merveille chaque geste, chaque détail pour retranscrire fidèlement un quotidien bien trop souvent méconnu. Tandis que la rumeur d’une épidémie fiévreuse se propage, Pierre voit alors son inquiétude chronique s’accentuer, persuadé que son troupeau va être touché. Et lorsque la prémonition va malheureusement s’avérer véridique, le garçon fera tout pour sauver ses fidèles compagnonnes d’une extermination inéluctable.
Drame sobre et pudique, "Petit Paysan" réussit avant tout le tour de force de faire évoluer son récit vers un thriller psychologique tendance paranoïaque particulièrement réussi. Car plus que l’isolement des agriculteurs et la difficulté de ce métier, le film dresse le portrait d’un homme ayant tout sacrifié pour sa profession, incapable d’accepter le moindre changement par peur de la nouveauté (ce qui s’applique également à sa vie amoureuse où tel un être asexué il est incapable de se projeter dans la moindre aventure). Chaque second rôle (de la mère omniprésente à la bande de potes d’enfance en passant à la boulangère amourachée) participe à dessiner les contours d’une personnalité complexe, celle d’un gamin ayant grandi trop vite qui ne peut accepter de voir son monde s’écrouler.
Pénétrant la psyché d’un homme à la dérive, enfermé dans un spirale mensongère, le métrage maintient une tension permanente, s’éloignant largement du décor bucolique des premières minutes. Avec une musique pop détonante et enivrante, un montage chirurgical et des acteurs au top (Swann Arlaud confirme son retour au premier plan depuis "Les Anarchistes"), ce premier film est une petite claque, un drame millimétré aux enjeux vastes et au réalisme déroutant. On a déjà hâte de retrouver Hubert Charuel derrière une caméra, aussi bien pour ses qualités de metteur en scène que pour la pureté de son scénario.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur