Festival Que du feu 2024 encart

PEARL

Un film de Ti West

Bloody Sirk

En 1918, alors que la Première Guerre mondiale est en cours, Pearl habite dans la ferme familiale, en pleine campagne. La jeune femme se sent prisonnière d’une existence contrainte, pauvre et sous le joug d’une mère autoritaire et dévote. D’autant plus qu’elle doit s’occuper de son père réduit à l’état de légume suite à une attaque cérébrale. Pearl rêve d’une vie glamour comme dans les films qu’elle regarde. Néanmoins, une série d’événements va doucement la faire sombrer…

Mine de rien, en une poignée de films, le réalisateur Ti West a su s’imposer en valeur sûre du cinéma d’horreur. Homme orchestre qui cumule bon nombre de postes techniques (réalisation, production, scénario, montage) et qui avait fait son entrée sur la scène internationale avec l’intéressante suite de "Cabin Fever", le bonhomme s’est surtout caractérisé par un respect absolu de cette science horrifique, à la fois graphique et corrosive, telle qu’elle fut mise en pratique durant les années 70. Soit un premier degré redoutable et fièrement revendiqué, sans distanciation théorique ni zeste de post-modernisme, visant magistralement à laisser le spectateur sonné par le coup qu’on vient de lui infliger au lieu de le laisser absorber le coup en question sans effet secondaire. Le tout avec une maestria visuelle si prégnante que les louanges n’ont pas manqué de pleuvoir, notamment ceux du grand Martin Scorsese qui confia avoir eu du mal à dormir après avoir découvert "Pearl". On ne se montrera pas aussi élogieux que lui, pour le coup. Préquelle centrée sur l’antagoniste de "X" et ce dans l’attente d’une suite directe intitulée "MaXXXine" qui refermera la trilogie, "Pearl" se plante un peu sur sa démarche d’origin story, en l’état ultra-prévisible et encombrée de références archi-visibles (du "Magicien d’Oz" à "May" en passant par "Carrie"). Soit une jeune femme piégée dans la ferme isolée de sa famille, entre une mère cruelle et un père comateux, et dont l’obsession à mener la vie glamour que lui offre le cinéma va se changer peu à peu en folie meurtrière.

La force et la limite de "Pearl" sont à glaner là-dessus : là où "X" était un ensemble global qui donnait beaucoup à (perce)voir derrière ce qui était au premier plan, l’héroïne est ici un passionnant et magnifique centre de gravité autour duquel le reste parait secondaire, pour ne pas dire assez fonctionnel. Au-delà d’un sous-texte à peine ébauché sur la Première Guerre Mondiale et le caractère subversif du 7ème Art, c’est la tendance à tout psychologiser qui coince – le long monologue de Pearl a valeur de surlignage. À côté de cela, Ti West a beau multiplier les arabesques de l’âge d’or hollywoodien (cadrages, bande-son, typographie du générique), cette tendance à faire du Douglas Sirk en mode sadico-gore est comme un chemin trop balisé, sans surprise ni fulgurance véritable. Seul un bel effet de split-screen, qui tend à changer l’écran de cinéma en test de Rorschach grandeur nature, réussit à faire illusion. De même que le long plan fixe qui accompagne le générique de fin, dévoilant les mille nuances progressives d’un sourire qui se fait de plus en plus crispé et inquiétant, justifie à lui seul les louanges adressées à la prodigieuse Mia Goth, dont le poids dans l’écriture et la production a sans doute été considérable. Rien que pour elle, le visionnage de "Pearl" a quelque chose d’impératif.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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