PATHAAN
Face à Hollywood, Bollywood n’a pas à rougir !
On a cru Bollywood en crise depuis quelques années, mais peut-être est-il en train de renaître de ses cendres à la manière du héros de ce film. Voilà en tout cas une séduisante affirmation du savoir-faire indien en matière de cinéma à grand spectacle ! À l’heure où Hollywood continue d’étendre sa toile sur le monde à coups de blockbusters et de métavers peuplés de super-héros, l’Inde assume aussi sa volonté de montrer ses muscles, au sens propre comme au sens figuré.
Explicitement patriote (mais guère plus que les films d’action américains), "Pathaan", qui bat des records au box-office indien, a une vraie ambition de soft power politico-culturel, soignant la mise en scène comme un artificier le ferait avec son show de son et lumière pour une fête nationale. Un peu à la manière des Marvel ou de la saga "Fast and Furious", ce film ne s’interdit aucun excès, que ce soit dans un scénario multipliant les rebondissements et osant les récits enchâssés (sans nous perdre pour autant), dans la chorégraphie de scènes de combat ou de poursuite toutes plus ahurissantes les unes que les autres (citons entre autres la scène avec les hélicos à Dubaï qui vaut son pesant de cacahuètes !), dans ses propositions visuelles décoiffantes (comme lorsque la caméra semble synchronisée avec les mouvements de l’arme qui est visible au centre du plan) ou dans cette façon typiquement bollywoodienne de mixer les genres, de s’amuser avec les codes et de cultiver le sens du kitsch (oui, il y a bien des chorégraphies hautes en couleur et un humour potache !). Seule ombre au tableau : certains effets spéciaux ne sont pas à la hauteur de l’ensemble.
Au centre du film, rien de moins que le « King Khan », Shahrukh Khan, star qui avait pu paraître lui aussi sur le déclin et qui resurgit avec bonheur dans la peau d’un héros qui n’a peur de rien. Un peu à la manière de Tom Cruise, il défie les lois du temps en exhibant un corps bodybuildé alors qu’il approche de la soixantaine ! Charismatique jusqu’au bout des ongles et des cils, il survole ce long métrage mais n’éclipse pas pour autant sa principale partenaire, Deepika Padukone, qu’il retrouve seize ans après leur première collaboration ("Om Shanti Om"). Idem côté antagoniste avec un méchant volontairement caricatural incarné par un John Abraham qui n’a pas à rougir devant son aîné. Shahrukh Khan laisse aussi une place à un caméo de choix en la personne de Salman Khan, autre star de Bollywood qui reprend ici son personnage issu des films "Ek Tha Tiger" et "Tiger Zinda Hai" – le voilà donc, le multivers indien en gestation, puisqu’un "Tiger 3" est en production et que Shahrukh Khan devrait y faire à son tour une apparition en tant que Pathaan ! Le temps d’une scène comique à la fin du film, les deux Khan ironisent sur leur longévité : certains ont peut-être voulu les enterrer trop tôt, ils sont encore là pour briller !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur