PAS SON GENRE
Un choc des cultures touchant
Alors que l'on pouvait craindre une histoire d'amour simpliste et une intrigue toute faite, Lucas Belvaux surprend avec ce film un peu plus léger que ces dernières productions ("38 témoins" et "Rapt"). Il a tout d'abord su s'entourer d'acteurs compétents qui donnent de vraies personnalités à leurs rôles respectifs. Loïc Corbery, que l'on avait déjà aperçu brièvement dans "Musée Haut Musée Bas" de Jean-Michel Ribes, incarne parfaitement le parisien bobo, fils de médecin et de préfet, craignant la province comme la peste. Il rythme d'ailleurs le film, pour le plaisir des amateurs, avec ses lectures de grands auteurs tels que Kant ou Proust. Mais un bon orateur n'est rien sans quelqu'un pour l'écouter et c'est là qu'Émilie Dequenne entre en jeu. Elle campe le rôle de Jennifer, une jeune femme amatrice elle aussi de beaux textes mais qui se rapproche plus facilement d'un exemplaire de Closer que de Le Rouge et Noir de Stendhal. Pour autant elle ne tombe pas dans le cliché de la provinciale un peu simple. Elle aussi a une culture propre, aussi riche que celle de son amant et la fait partager avec une sincérité touchante. Mais un choc des cultures est indéniable entre les deux trentenaires et c'est d'ailleurs autour de ce dernier que l'intrigue se base.
La littérature étant très présente dans ce film, c'est sans surprise que l'on voit qu'il est en fait l'adaptation du roman éponyme de Philippe Vilain. Néanmoins, alors que le livre est écrit à la première personne et donne le point de vue unique du jeune prof de philo, le réalisateur a décidé de se détacher de ce postulat pour ouvrir aussi sur la vision de Jennifer. Pourtant, on part avec un a priori, celui de la « supériorité » de Clément dans le couple, le protagoniste qui donne l'image d'un jeune homme froid et dénué de certains sentiments. Mais le scénario parvient encore à surprendre avec une influence croissante de l'arrageoise qui ouvre sa vie et ses problèmes à l'homme qu'elle aime alors que ce dernier à tendance à se refermer sur lui même en allant se réfugier dans la capitale. Mais cette force de sincérité tellement puissante touche le personnage, tout autant que les spectateurs d'ailleurs, et renverse le rapport de force pour laisser place à une deuxième partie de film plutôt intéressante. Le tout, encore une fois, porté par une Émilie Dequenne vraiment émouvante. C'est donc un long-métrage sincère avec un scénario solide que nous sert Lucas Belvaux. Et bien que certains sites le catalogue comme une comédie, "Pas son genre" est bien plus que ça. C'est un bout de vies partagées.
Quentin ChirolEnvoyer un message au rédacteur