PAROLES DE BANDITS

Ce qui est le plus étonnant dans ce documentaire de Jean Boiron-Lajous, ce sont les gens qu'il met en scène. Ce n'est pas un documentaire sur les migrants. C'est un film sur ceux qu'ils croisent sur leur route. Ce ne sont pas des héros ou des anti-héros, ce ne sont pas des symboles, ce ne sont même pas des militants. Ce sont des gens simples, pas particulièrement ouverts sur le monde ou même sur leurs voisins. Ils vivent dans une petite vallée frontalière, encastrée, perdu au cœur des montagnes au Nord Est de Nice.

Mais ce sont des gens, du moins pour ceux qui sont filmés, qui n'ont pas réfléchi et qui ne se sont pas posés des questions quand ils ont vu la misère et la détresse. Ils l'expliquent très clairement, ils n'ont pas l'impression d'être des héros, ils apportent seulement un peu d'aide, une aide tellement minime par rapport à la détresse de la situation des gens qu'ils croisent. Ils apportent une assistance. Loin de l'idée du « White Savior », les migrantes et migrants ne leur doivent rien, c'est seulement pour eux une attitude normale. On sent beaucoup de pudeur face à ces hommes et ces femmes qui arrivent dans leurs quotidiens et leurs intimités. Et les locaux ne tentent jamais de les envahir ou de leur faire raconter leur histoire. L'apitoiement n'est jamais la question. Ils aident, sans rien demander en retour, sans juger. Fermer la frontière ne sert à rien, ils passeront forcément, car ils n'ont pas le choix : ce sera seulement plus dangereux, alors le mieux qu'ils puissent faire, c'est les aider.

Cette idée est d'une force rare, comme l'est le monologue d'un migrant à la fin du film qui en a marre qu'on lui pose toujours les mêmes questions. "Paroles de bandits" est un documentaire qui donne une vision nouvelle sur cette situation et qui montre sans les glorifier des gens qui sont réellement dans l'action et qui prennent des risques sans rien attendre en retour. Des gens qui se mettent en danger et que l'on attaque pour avoir fait preuve d'empathie, des gens que la justice menace de condamner pour avoir apporté de l'aide à quelqu'un qui souffre.