PARK
Métaphore d’une Grèce en déliquescence
Dix ans après les Jeux d’Athènes, le village olympique est dégradé, à l’abandon. Jeunes désœuvrés et chiens errants investissent ce no man’s land et y errent sans but…
Montré et primé dans de nombreux festivals internationaux en 2016 et 2017, "Park", premier long métrage de la réalisatrice grecque Sofia Exarchou, a attendu 2020 pour sortir en France.
Dès les premières images, le ton est donné : la Grèce est en état de délabrement. Il peut paraître incroyable de voir l’état du village olympique d’Athènes seulement dix ans après cet événement mondial. C’est pourtant vrai, ce n’est pas un décor artificiel, et l’auteur de cette critique peut en attester, ayant visité le parc olympique six ans après les Jeux et ayant alors déjà constaté la triste dégradation de ces lieux sous-exploités.
Avec "Park", Sofia Exarchou fait donc l’amer portrait de son pays, durement frappé par une crise financière à partir de 2008 (soit quatre ans après ces JO qui avaient apporté fierté et espoir au peuple grec), en choisissant comme décor ce symbolique site olympique : des infrastructures démesurées qui ont dû coûter un bras à une société grecque qui n’a plus les moyens de les réutiliser et de les entretenir. Quant aux personnages, ce sont des jeunes désœuvrés, sans perspective d’avenir, qui finissent par agir de façon parfois animale, dans leur façon d’errer ou de se laisser guider par leurs pulsions (violence et sexualité), comme les chiens qui partagent ce même territoire de ruines des temps modernes.
Autre signe de la déchéance grecque, la marbrerie, activité économique également symbolique, n’a plus les moyens d’offrir un emploi au jeune Dimitris, qui se sent progressivement tout aussi abandonné et inutile que le site olympique. Même chose pour l’économie du tourisme : Dimitris finit par ne plus savoir comment réagir envers ces étrangers dont la présence et la relative opulence sont une opportunité qui peut également apparaître obscène à côté de la société grecque appauvrie. Quant à la jeune Anna (interprétée par Dimitra Vlagopoulou, justement récompensée pour ce rôle aux festivals de Thessalonique et d’Athènes), son sourire mélancolique et ses cicatrices d’ex-gymnaste sont les traces d’une jeunesse brisée qui essaie désespérément d’y croire encore, en se réfugiant dans des postures de séduction à la fois sincères et artificielles.
Le film est d’un réalisme étouffant, et il faut bien convenir aussi qu’il ennuie quelque peu malgré l’intérêt qu’on lui porte. Certes, il y a sans doute quelque chose de volontaire de la part de la réalisatrice qui veut ainsi nous faire ressentir la vacuité et la démoralisation de cette jeunesse grecque. Mais la répétition de séquences identiques, le rythme très lent et la simplicité du scénario rendent le visionnage éprouvant. Le film est symboliquement et visuellement réussi, tout comme la façon dont les personnages et les lieux se font écho, mais le récit manque d’idées pour le rendre moins fastidieux à regarder.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur