PACIFICTION, TOURMENT SUR LES ÎLES
Le bal des hypocrites
Île de Tahiti. Entre les réceptions officielles, les soirées et les repas plus privés, les militaires de la marine françaises côtoient les responsables locaux. Au milieu d’eux, évolue le Haut-Commissaire de la République De Roller, parfaitement à l’aise en apparence, mais qui n’a pas son pareil pour manier la langue de bois. Surtout quand des rumeurs courent sur la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique…
Réputé pour des films radicaux qui divisent ("La Mort de Louis XIV", "Le Chant des oiseaux", "Liberté"), le réalisateur espagnol Albert Serra est passé cette année par la compétition cannoise, certains ayant cru jusqu’au bout que "Pacifiction" repartirait avec un prix, du Jury ou d’interprétation pour son acteur principal. Il faut dire que Benoit Magimel délivre ici une belle prestation, portant le film de bout en bout sur ses épaules, entre accointances tactiques, numéro de noyade de poisson ou exercice de langue de bois, dans un rôle de Haut-Commissaire de la République omniprésent auprès des officiels locaux ou des militaires, quel que soit le contexte (repas officiel, spectacle traditionnel, soirée, compétition de surf...) ou la tenue requise (costume, short, traditionnelle locale...),mais toujours les lunettes de soleil vissées sur le nez.
S’éloignant des films d’époque, l’auteur tâche de nous plonger dans ces intrigues où se jouent des jeux de pouvoir locaux, une paix sociale difficilement acquise, et des intérêts français hérités des colonies. Bien sûr, Albert Serra magnifie les lieux par la lumière jusque dans son obsédant et déroutant final, mais au-delà des envolées verbales de Magimel (pour beaucoup improvisées puisque l’auteur est réputé pour ne pas ou peu écrire de dialogues), érigeant son personnage en grand stratège, les deux heures quarante cinq ont tout de même bien du mal à ne pas lasser. Surprenant dans ses choix musicaux électro, hypnotique par moments, déroutant dans sa signification quant à l’attitude de l’armée, "Tourment sur les îles" laisse un goût d’œuvre inachevée, manquant clairement d'esprit de synthèse.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur