ON THE ICE
Dans l’immensité polaire, personne ne vous entend crier
Après « 30 jours de nuit », le cinéma revient sur les terres de l’Alaska, peu exploitées par le 7e art. Et pour la première fois, c’est un « local » qui tient les rênes de cette production à la fois insolite mais tellement déjà vue. Car c’est bien là que le bât blesse. On aurait aimé défendre sans retenue ce film qui trouve en son décor une matière d’une infinie richesse. Ce peuple du nom d’Inupiaq avec ses faux airs d’Inuits joufflus aux yeux bridés, on le découvre comme nous, comme vous et moi. Les jeunes slament sur du rap, tirent quelques lattes de shit et draguent dans les soirées collé-serré qui durent jusqu’au petit jour. En même temps le petit jour dans cet endroit qui touche du doigt le cercle polaire c’est toute la journée, et ceci six mois durant !
Voilà donc un réalisateur dont c’est le premier film qui avait une matière exceptionnelle, n’ayons pas peur des mots, qu’il connaît par cœur et qui s’embourbe comme un esquimau dans 50 cm de poudreuse avec une histoire de crime accidentel, de jalousie amoureuse et de responsabilité/culpabilité que je ne sais plus s’il faut que je dise la vérité ou que je mente à mon père… Ouch, ça fait mal quand on passe si violemment d’un univers si original à des situations si ressassées.
Bref, on ne regrettera donc pas une seconde de découvrir cette région arctique qui constitue le point le plus original et le plus intéressant du film. Socialement même, Andrew Okpeaha MacLean nous plante un décor incroyable constitué de maisons faites de bric et de broc où l’alcool aide une partie de la population à tenir, quand ce n’est pas la drogue. Les cahutes grises tranchent avec la neige et le ciel d’une lumière et d’une blancheur étincelantes. Cette jeunesse qui n'a rien à envier aux ados américains des grandes villes est impressionnante de banalité tant elle nous ressemble, si on remplace bien sûr leur scooter des neiges par notre voiture et leur combinaison doudoune/moon-boots par nos jean/baskets.
Mais voilà que le film tourne assez rapidement au drame et, sans non plus tomber dans la caricature ou le mauvais film, il n’évite ni le déjà-vu ni la bonne morale… L’attrait pour cette contrée et ce peuple fond ensuite un peu comme neige au soleil. Dommage, car les deux comédiens principaux, non professionnels, sont parfaits. On se demande juste si le réalisateur n’aurait pas sauté une marche trop tôt et s’il n’aurait pas dû se concentrer davantage sur les habitants de Barrow et leurs maux, trop vite esquissés dans la première partie du film.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur