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OLGA

Un film de Elie Grappe

Les tourments d'une ado, entre gym et révolution

En 2013, Olga est une jeune gymnaste ukrainienne qui rêve de médaille aux prochains championnats d’Europe. Mais quand sa mère, une journaliste politique, est menacée à cause de son travail, l’ado s’exile en Suisse, pays de son défunt père dont elle peut obtenir la nationalité. Elle est désormais loin de sa mère et de son pays, au moment où l’histoire nationale est sur le point de basculer…

Olga film movie

Coécrit avec Raphaëlle Despleschin (qui a par exemple collaboré aux scénarios de "Nos batailles", "Tournée" ou "Sous les jupes des filles"), ce premier long métrage d’Elie Grappe, réalisateur originaire de Lyon et formé au cinéma à Lausanne, s’intéresse d’une façon originale aux mouvements pro-européens ayant secoué l’Ukraine en 2013 (surnommés « Euromaïdan »), via la perception d’une jeune Ukrainienne contrainte à l’exil peu de temps avant l’émergence des contestations contre le président Ianoukovytch. Plutôt que de chercher à faire un film purement politique et engagé, le réalisateur interroge la possibilité d’appréhender un tel évènement majeur quand on vient de s’expatrier, contraignant les personnes concernées à vivre cela loin de leur pays.

"Olga" propose un parallèle intéressant entre la souffrance des corps des gymnastes et la lutte révolutionnaire en Ukraine, tout cela sans pousser sur le pathos. Ce double prisme propose aussi une dualité entre l’individu et le collectif : la gymnastique artistique est un sport avant tout individuel mais il existe quand même des enjeux par équipe ; l’engagement dans le cadre d’un mouvement collectif comme Euromaïdan sous-entend une part de sacrifice, d’abandon de ses propres rêves (ceci passe par le personnage de la mère et par celui d’une amie gymnaste d’Olga, restée au pays).

Proche du récit initiatique, le scénario plonge l’héroïne dans une quasi solitude pour la confronter à son identité. Elle doit ainsi gérer la pression des entraînements, la concurrence et la jalousie entre gymnastes, l’isolement de l’exil, le décalage culturel avec sa famille suisse qu’elle connaît peu, les interrogations sur l’avenir de son pays qui s’embrase en son absence, les inquiétudes à propos de sa mère qui couvre les évènements…

Au fil de ce long métrage âpre, sans fioritures, on peine parfois à vibrer, à cause d'un personnage un peu trop froid, presque monolithique à cause de sa volonté de se créer une carapace pour résister. Malgré tout, l’interprétation reste de qualité, d’autant qu’Elie Grappe a fait un choix osé : au lieu d’entraîner des actrices à être crédibles tout en ayant recours à des doublures, il a casté de vraies gymnastes pour certains rôles. Ainsi, l’actrice principale, Anastasia Budiashkina, est une gymnaste de haut niveau, sélectionnée dans l’équipe ukrainienne pour les Championnats d’Europe junior 2016 (où elle est seulement passée aux barres, l’agrès majoritairement mis à l’honneur dans ce film) et 7e des championnats d’Ukraine en 2019. Idem pour Caterina Barloggio et Thea Brogli, qui interprètent aussi ce qu’elles sont dans la vraie vie : des gymnastes suisses – les deux ont obtenu plusieurs médailles aux championnats suisses et ont participé à plusieurs championnats d’Europe, ainsi que des mondiaux pour Barloggio.

Ce choix de casting est payant : il permet de proposer des séquences d’entraînement réalistes, sans avoir à hacher la performance sportive lorsque la mise en scène ne l’exige pas. En revanche, les afficionados de gymnastique artistique pourront regretter que les scènes de compétition correspondent moins à la réalité. Mais il est probable que ce soit en partie dû à différentes contraintes techniques et/ou budgétaires, et cela n’affecte pas gravement la qualité du film, d’autant que ce passage a surtout vocation à mettre en avant le militantisme de l’autre gymnaste ukrainienne et la rupture avec l’ancien entraîneur, considéré comme traitre en devenant coach de l’équipe russe. Bref, on pourra aisément pardonner ces défauts-là, qui ne devraient d’ailleurs pas perturber le public peu coutumier de ce sport.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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