L'ODORAT
On ne (res)sent rien
L’odorat est le déclencheur essentiel d’une large partie des émotions et des plaisirs procurés par les composantes de nos vies personnelles, telles que la nourriture, l’érotisme ou encore la famille. L’odorat est le « sens du désir », car il exalte nos passions et notre sensualité, car il enrichit notre propre vie. Et l’univers de l’odorat est loin d’être aussi limité qu’il n’en a l’air…
On s’en rend bien compte en sortant de la projection : faire un documentaire sur l’odorat était sans doute un pari de cinéma impossible. Parce qu’évoquer de façon aussi synthétique et documentée le spectre de sensations suscitées par les odeurs impliquait un montage sensitif, propice à évoquer des odeurs à travers l’association image/son, quitte à tenter une projection en odorama en guise de solution de secours. Sans grande surprise, Kim Nguyen a raté son but : sous couvert d’analyser notre rapport intime et sensoriel à l’odorat, il nous laisse sans cesse dans une position de témoin passif. "L’odorat" ne nous fait rien sentir, il se contente de filmer des gens qui captent des odeurs. Du coup, aucune interaction ne se produit entre l’écran et le spectateur. Sauf peut-être pour ceux qui ont eu la chance de le voir en « odorama », ce qui n'est pas le cas dans toutes les salles, loin de là.
Cela dit, documentaire oblige, il y aurait sans doute matière à laisser cela de côté pour se concentrer sur le fond du sujet. Là-dessus, pas de souci, le film s’avère riche et documenté, levant un grand nombre de doutes et d’interrogations sur le pouvoir caché de l’odorat par le biais d’un grand nombre d’intervenants (parmi lesquels François Chartier, auteur du livre Papilles et molécules). Des informations sont glanées ici et là, comme le fait que l’odorat permet à tout un chacun de se reconnecter à des souvenirs ou que sa disparition soudaine pousse l’individu à perdre tous ses repères (c’est d’ailleurs le témoignage d’une femme, privée de son odorat au moment d’un grave accident, qui ouvre et clôture le film). Hélas, Nguyen avait tellement d’infos à englober qu’il semble avoir oublié de les structurer après avoir fait son brainstorming. Brouillon et confus en fin de compte, "L’odorat" se contente hélas de disperser ses intervenants sans offrir d’angle narratif capable d’étayer sa réflexion. Un peu comme si un cuisinier avait mélangé tous ses ingrédients dans son plat, mais sans avoir fait le moindre dosage et sans avoir suivi la recette.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur