NUIT #1
Intéressant mais pas passionnant
Aux premières images envoutantes d’une boîte de nuit où les fêtards se déchaînent au ralenti, va répondre l’animalité d’une scène de sexe dans un appartement miteux. La lumière des spots a laissé place à la pénombre, les corps s’animent à vitesse réelle, la caméra est au plus près de la chair mais l’absurdité et la précarité du lieu empêchent toute dimension onirique. Anne Emond veut filmer une première fois entre deux êtres désabusés, sans aucun artifice ou embellissement de leur rencontre. La réalisatrice refuse alors d’influencer les ressentis du spectateur, elle nous laisse être les seuls juges par un montage minimaliste, et par une mise en scène quasiment absente. Le long-métrage va s’intégrer dans un schéma bien défini : les deux protagonistes vont intervenir par de longues tirades aux allures de monologue, l’autre ne sera qu’une oreille, allégorie du spectateur. Cette nuit sera l’occasion pour les deux amants de tout évoquer, leurs envies comme leurs regrets, leurs peines comme leurs joies. Et par cette succession de répliques, ils vont apprendre à se connaître, bien plus qu’ils auraient pu l’imaginer à la sortie de la boîte de nuit.
La crudité des images va alors se retrouver dans les dialogues, mais malheureusement, ceux-ci n’atteignent jamais les fulgurances escomptées. Dimitri Strooge (« Les Lyonnais) se transforme en un Nicolas Bedos du pauvre tandis que sa partenaire pâtit d’une instabilité émotionnelle qui semble peu crédible. En effet, il nous apparaît difficilement concevable que cette jeune fille, d’apparence indépendante et insoumise, accepte d’entendre autant de vulgarités à l’égard de sa personne de la part d'un inconnu. Si l’idée de concentrer son récit dans un cadre spatio-temporel rétréci était une piste intéressante, Anne Emond ne maîtrise pas suffisamment son sujet et sa caméra pour capter pleinement l’attention du spectateur. En voulant insérer de nombreuses pistes dans sa trame narrative, la réalisatrice finit par effleurer ses sujets. Toutefois, sans passionner, le film n’en reste pas moins une variation intéressante sur le traitement des romances au cinéma.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur