NOS BATAILLES
Sans doute l’un des meilleurs rôles de Romain Duris
Olivier est chef d’équipe en usine et syndicaliste. Comme les autres, il se retrouve à faire des heures supplémentaires et à subir le froid. Déstabilisé par le suicide d’un collègue de 53 ans, récemment licencié, il se démène chaque jour, alors que sa femme, Laura , caissière dans un magasin, commence à déprimer. Mais un jour, il découvre que sa femme n’est pas allée chercher les enfants, qu’elle n’est pas au travail, et qu’elle a pris toutes ses affaires. Une disparition sans nouvelle, qui l’oblige à s’occuper un peu plus des enfants…
Découvert en séance spéciale de la Semaine de la critique 2018, "Nos batailles" est un film social viscéral, qui marquera les esprits d’abord par l’impressionnante performance de Romain Duris. A son meilleur, l’acteur incarne avec fragilité le père de famille soudain débordé par le quotidien et les enfants. Se raccrochant aux femmes qui l'entourent - collègue de travail, mère compréhensive, sœur parfois provocatrice -, on suit son évolution pour parvenir à sortir la tête de l'eau et à accepter, si ce n’est comprendre le geste de sa femme.
Décrivant en arrière plan un contexte social difficile (le turn-over important et les conditions de travail dans les entreprises de logistique, le peu d'emprise du syndicalisme, la précarité des ménages...) le film se centre cependant sur une famille en particulier. Et Guillaume Senez ("Keeper") choisit de faire subir aussi au spectateur l’absence de cette mère, rien n’étant montré de ses agissements, la manifestation de son existence se limitant aux dires de certains proches, ou à la cruelle carte postale qui ne fait pas mention du mari…
Disposant de quelques scènes magnifiques avec Laetitia Dosch (sa sœur dans le film), dont l’une de danse avec pour fond l’envoûtante et triste chanson de Michel Berger "Le paradis blanc", le scénario prend la forme d’une troublante mise à l’épreuve. Assumant jusqu’au bout l’incertitude Guillaume Senez construit un récit réaliste et cruel qui questionne sur le dialogue au sein du couple, la capacité à tenir à bout de bras une famille, tout comme la position du père et la croyance moderne en la possibilité de tout gérer. Une immersion dont on ne sort pas indemne.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur