NORAH
« Du cinéma au milieu du grand rien »
Arabie Saoudite, 1996. Norah est une jeune fille qui rêve de liberté dans un village au milieu du désert, où les gens qui y naissent n’en partent généralement jamais. Un jour, un nouvel instituteur venu de la ville arrive pour enseigner aux jeunes garçons à lire et à écrire. Intriguée, Norah cherche à entrer en contact avec le nouveau venu sans attirer l’attention…
Nous sommes en terres martiennes. Le désert est orange, des pierres biscornues le peuple. Une improbable voiture, peut-être perdue, navigue entre les routes de terre. Un homme avec des lunettes de soleil regarde une carte dans l'espoir de trouver ce village au milieu du grand rien où il doit devenir instituteur pour les quelques petits garçons qui habitent là. Là, il y a quelques bâtiments rectangulaires, un camion citerne qui ravitaille en eau, des femmes drapées de noir de la tête aux pieds qui cuisinent dans l’abri de leurs maisons et des hommes à moustaches qui dînent ensemble à l'air libre. Voilà la description brève de ce village martien pour notre regard occidental.
"Norah" témoigne d'un mode de vie dont on entend parler avec beaucoup d'inquiétude dans les actualités, celui de l'Arabie Saoudite. C'est l'histoire d'une jeune femme qui rêve de la ville, et qui rêve, en regardant des magazines interdits, de la liberté que ceux-ci semblent promettre. Mais dans ce village au milieu de nulle part, où les gens cultivent la méfiance, sa tante la rappelle fatalement à la raison : tu nais ici, tu meurs ici. Nader, l'instituteur venu de la ville, arrive alors à point nommé pour rajouter un peu d'espoir au moulin de Norah et un échange empathique commence, alimenté par leur attrait mutuel pour l'art. Le réalisateur Tawfik Alzaidi raconte qu'il s'est inspiré de sa propre histoire pour écrire le film, le personnage de Norah est inspiré de sa mère (qui porte le même prénom que la protagoniste) mais aussi de lui-même, un cinéphile empêché dans son propre pays.
C'est un film rare, dans ce qu'il nous montre de ce pays que l'on ne connaît pas pour son attrait pour le cinéma, et un film qui nous dit : les choses bougent un peu. "Norah" se passe en 1996, et lors de sa présentation du film au Comoedia ce dimanche 13 octobre 2024 (dans le cadre du Festival Lumière), Tawfik Alzaidi nous a expliqué que ce genre de village n'existe actuellement plus, tout comme ce genre de privation de liberté. Alors on sort curieux de ce film à l’esthétique soignée et à la mise en scène intéressante, qui a su retenir l'attention aussi à Cannes où il a reçu une mention spéciale dans la section Un certain regard. On retient de Norah, deux yeux magnifiques et fiers, des paysages d'une sublime étrangeté, une pointe de mélo et l'expression d'un grand désir de cinéma.
Amande DionneEnvoyer un message au rédacteur