LE NOIR [TE] VOUS VA SI BIEN
Ces clichés vous vont si bien
Rarement, il m’aura été donné l’occasion de voir tant d’amateurisme dans un film professionnel (entendons par là, financé par des institutions du cinéma et des chaines publiques). Et pourtant, c’est bel et bien Jacques Bral, cinéaste d’origine iranienne avec presque quarante ans de carrière et sept films à son actif qui a réalisé ce film (et non pas d’un homonyme ! Je me suis senti obligé de vérifier deux fois). Et il ne s’agit pas d’amateurisme créatif apportant fraicheur et vivacité à l’œuvre comme nous avons pu le découvrir avec « Donoma » ou « Rengaine » cette année. Non, il s’agit de l’amateurisme qui plombe tout un film, qui s’infiltre dans l’écriture, pollue le jeu des acteurs, ruine toute idée de mise en scène et par-dessus tout nous inflige un discours creux, et même révoltant. C’est à se demander comment un film pareil a pu atteindre le chemin des salles alors que tant d’autres pépites ne trouvent pas leur voie au-delà de leurs présentations en festivals.
Il s’agit donc d’évoquer le port du voile, les conflits de générations et de cultures et plus généralement la place de la tradition musulmane dans les sociétés contemporaines occidentales. À l’heure des polémiques sur les pains au chocolat et en ces temps de replis communautaires, ces sujets sont, bien sûr, forts mais d’autant plus difficiles à traiter. Hélas, Le réalisateurs tombe dans tous les écueils possibles et imaginables, et ce, même lorsque ses personnages n’y sont pas prédestinés. Le cas des parents de Cobra est d’ailleurs le plus éloquent. Ceux–ci sont présentés comme un couple qui, autrefois, s’est élevé par amour contre la tradition mais qui exige aujourd'hui que leur fille porte systématiquement le voile, tous deux étant même prêts à lui trouver un mari de retour au pays. Il en va ainsi pour tous les personnages du film. Leurs actes ne sont jamais amenés de manières crédibles (voir la tentative de séduction en sous-sol ou le geste final du frère de Cobra).
Tout arrive comme un cheveu sur la soupe, bien souvent de manière théâtrale et incroyablement maladroite (mention spéciale au manager de chaussures s’adressant soudainement face caméra, s’excusant finalement en indiquant qu’il ne savait pas à qui se confier). La plupart des dialogues abscons n’apportent rien, si ce n’est de l’incrédulité de la part du spectateur devant s’infliger des scènes de disputes dont la tension ne parvient même pas à égaler celle des productions AB. Les acteurs se débattent comme ils peuvent pour insuffler un tant soit peu de d’épaisseur à leurs personnages qui en manquent cruellement. Enfin, l’embarrassante mise scène, dépourvue de cohérence lorsqu’il s’agit d’intégrer des séquences oniriques ou théâtrales à son drame, est d’une platitude rarement égalée au cinéma.
En clair, nous sommes ici, à mille lieues d’un « Just a Kiss » puisqu’aucune subtilité ni profondeur n’est injectée dans ce faux pamphlet se complaisant dans tant de clichés pour se terminer dans un drame à l’issue complètement invraisemblable et surtout révoltante tant on ne parvient pas à réduire cette famille, pourtant bien sous tous rapport, à cet acte odieux.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur