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NO PAIN NO GAIN

Un film de Michael Bay

La tête dans les muscles

Entraîneur personnel dans un centre de fitness, Daniel Lugo rêve de vivre enfin le véritable rêve américain. Avec l’aide de deux complices de gonflette, il met au point un plan imparable : kidnapper un riche entrepreneur et le forcer à leur céder tous ses biens…

De tous les blockbuster makers hollywoodiens qui alimentent les salles obscures chaque année de leur méga-productions, Michael Bay est sans aucun doute celui dont la patte, le style, est le plus immédiatement identifiable : un cinéma fait de scènes d’action improbables, d’humour régressif, d’hélicoptères sur fond de soleil couchant, de travellings circulaires insensés, de contre-plongées iconiques et de pyrotechnie décomplexée du bulbe. Une approche résolument vulgaire du médium cinématographique, et qui aura trouvé son aboutissement en 2003 dans le monstrueux "Bad Boys II", apogée du style « Bay » bien souvent considéré par les (nombreux) détracteurs du cinéaste comme le mètre étalon de ce que le cinéma américain peut produire de plus inacceptable.

Sans doute épuisé d’enchaîner les "Transformers" comme un banal faiseur à la solde des studios (ce qu’il est aussi, ne nous en cachons pas), Michael Bay aura éprouvé le besoin de se ressourcer avec un « petit » film, peinture hardcore et déjantée de ce que la recherche du rêve américain a pu créer de plus déviant. Ne nous y trompons pas, de la première à la dernière image, "No Pain No Gain" (sublime traduction française de… "Pain & Gain" !) est un film de Michael Bay, mais pour la première fois de sa carrière, le réalisateur semble en avoir conscience. Autant dire qu’on tient là du presque jamais vu.

Jusqu’ici, les affèteries visuelles et narratives de Bay se contentaient d’offrir un emballage criard à des intrigues de buddy movies et de films d’action maousses aptes à ravir les bourrins dégénérés. Ici, tous ses délires chromatiques, ses plans virtuoses vides de sens, ses bimbos en string et son sens de l’image bling bling sont au service d’un récit aussi improbable que jouissif, parce que tiré d’une histoire vraie (et le film se permet d’insister sur ce point). Il aurait été difficile, sans cet aspect non négligeable, de croire au destin de ces trois pieds nickelés bodybuildés, pour qui le rêve américain se vit comme dans un film… de Michael Bay !

C’est bien là tout le génie de ce "No Pain No Pain" à la fois hilarant et effrayant, pathétique et épuisant, nous montrant à voir l’incroyable connerie d’une bande de monstres au physique hypertrophié, dans un enchaînement de séquences hallucinantes (la tentative d’assassinat de leur victime), d’idées saugrenues (les tenues de ninja, la planque dans un sex shop), de dialogues fabuleux (« My name is Daniel Lugo, and I believe in fitness! ») et de démontage en règle de TOUT ce qui faisait le sel épicé de la filmographie du cinéaste. On oserait même pousser le bouchon trop loin et affirmer qu’il y a du "Fargo" et du "Dumb and Dumber" dans ce film, jusque dans une direction d’acteurs d’une justesse qui fait mouche : de Mark Wahlberg à Ed Harris, en passant par un Dwayne « The Rock » Johnson qui trouve là le rôle de sa vie, tous s’en donnent à cœur joie dans cette radiographie déviante et jusqu’au-boutiste de la bêtise américaine dans toute sa splendeur.

Véritable OVNI dans le paysage cinématographique actuel, "No Pain No Gain" s’impose donc sans peine comme le film d’auteur de son imbécile heureux de réalisateur. Qui doit s’en moquer de toute façon, puisqu’il s’apprête à livrer un quatrième "Transformers". Cela dit, c’est vrai que ça manquait un peu d’explosion de « petit » film…

Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur

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