N'IMPORTE QUI
N'importe qui fait n'importe quoi, et voilà le résultat !
Rémi Gaillard, ce n’est vraiment pas rien. Un trublion dingo et incontrôlable qui, depuis 1999, n’en finit plus d’injecter sa folie au cœur de sa belle ville de Montpellier, avec un art consommé du culot, du happening et de la caméra cachée. Il fallait le voir mettre une amende à une voiture de police garée sur le trottoir, prendre sa douche au lavage auto, expliquer comment manger McDo sans payer, conduire un kart déguisé en Super Mario dans les rues de sa ville (tout en balançant des peaux de bananes !), infiltrer des plateaux télévisés ou des concours divers, on en passe et des meilleurs… De grands moments de délire qui ont fait les beaux jours de YouTube, et que l’on se repassait en boucle au détour d’une soirée pizza-bière entre potes. Mais bon, comme souvent, dès qu’un inconnu se fait remarquer dans les médias, il faut s’attendre à le voir débarquer sur grand écran un ou deux ans plus tard. Après l’agité Norman, c’est donc au tour de l’ami Rémi de passer au mixeur ciné, ici sous le haut parrainage de Jean-François Richet (réalisateur du diptyque "Mesrine", et ici producteur de la chose). Le concept est simple : tout pareil que sur le Web, mais en film. Hélas, c’est là qu’est l’os.
Pour faire simple, ce « film » raconte le parcours de Rémi qui, à force de faire trop de conneries, se voit forcé de revenir dans le droit chemin s’il ne veut pas perdre ses potes et sa copine. Mais comme on ne devient pas « quelqu’un » aussi facilement, les conneries vont reprendre… Voilà tout ce qu’il faut retenir du scénario. Et encore, à supposer qu’il y en ait réellement un : entre un générique qui compile lourdement des sketches déjà vus sur le Web, une partie centrale filmée comme un téléfilm sans aucun relief (pas un seul plan de cinéma ne se dégage de l’ensemble) et un dernier quart d’heure sous forme de redite du générique d’intro, on subit constamment un exemple redouté d’anti-film, sans dynamisme ni mise en scène ni direction d’acteurs (l’ensemble du casting a dû suivre les mêmes cours que la bande des Quiches), où chaque tentative de gag s’échoue lamentablement et nous laisse clairement gênés d’y assister. Quant aux rares tentatives de se démarquer du format Web par une parodie ratée du clip Thriller et un usage maladroit de la chanson culte de Trust dans un ralenti au cours d’un mariage gâché, tout tombe à chaque fois comme un cheveu sur la soupe.
La comparaison apparaissait inévitable, tant sur la forme que sur le contenu : là où Michaël Youn et sa bande n’hésitaient pas à saborder toute notion d’intrigue au profit de gags au potentiel dévastateur bien réel et élaborés avec un réel sens du découpage (du coup, on se marrait comme des dingues), l’équipe de "N’importe qui" s’est contentée de reprendre le filmage des sketchs Web originaux et de le décliner bêtement dans chaque scène sans se rendre compte que le 7ème Art impose une nouvelle approche scénique de ce genre d’humour. D’autant que, pour mettre en valeur les prestations kamikazes de ses comédiens sans jamais chercher à lorgner lourdement du côté de la fable rédemptrice mal écrite et bien neuneu (ce qui est hélas le cas chez Rémi Gaillard), "Les 11 commandements" passerait presque pour du Blake Edwards en comparaison. Rien à sauver de ce naufrage, même pas une ligne de dialogue correcte ou un simple gag visuel qui nous arracherait ne serait-ce qu’un sourire. Il ne règne ici que ce ressenti toujours aussi gonflant de voir de jeunes talents transposer leur univers au cinéma sans comprendre ce que cela implique. En sortant de la salle, on l’a d’ailleurs déjà oublié, ce « film »…
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur