Festival Que du feu 2024 encart

NIGHT MOVES

Un film de Kelly Reichardt

Les conséquences de l'activisme

Trois militants écologistes font des repérages autour d'un barrage. Bien décidés à agir, ils achètent un bateau (dénommé Night moves) et font connaissance avec un Marine qui leur a préparé de faux papiers. Commencent alors les préparatifs du coup d'éclat, avec achat d'engrais, préparation d'une turbine...

Au travers de la seconde scène de son film, l'auteur, qui avait adopté un style ultra-réaliste sur "La Dernière piste", met les pieds dans le plat, posant directement les termes des interrogations qui traversent son nouveau film. Autour d'une projection d'un film sur les impacts de l'activité humaine sur l'environnement, un débat s'engage sur la nature même de l'activisme, son utilité, la nécessité de passer à des actes plus radicaux ou non. Car au delà de l'alerte et de la revendication, souvent sans réel effet, se tient tout un champ des possibles pour des actions plus marquantes, mais aussi potentiellement plus dangereuses.

Kelly Reichardt nous introduit alors à deux de ses personnages principaux, qui regardent le discours catastrophiste usuel avec circonspection et une vraisemblable lassitude. S'interrogeant sur les moyens d'action a leur disposition, les protagonistes vont choisir d'aller au delà, tentant de penser aux risques qu'ils encourent, mais pas forcément à ceux qu'ils feraient courir à des tiers. S'attachant à décrire la minutie et l'amateurisme des préparatifs d'une action d'éclat, le scénario nous immerge dans les milieux altermondialistes (fermes biologiques collectives, repaire hédoniste pour femmes...), avant de créer une rupture avec l'événement lui-même, à peine suggéré.

Car ce sont avant tous les êtres humains qui intéressent la réalisatrice, leur courage absurde, leurs doutes, leur droiture ou au contraire leur incapacité à gérer le stress. Basculant dans une ambiance paranoïaque, le récit se concentre alors sur les cas de conscience de personnages sensés ne plus se voir, pour éviter tout problème. Amenant finement quelques apports sur les conséquences de l'acte, la réalisatrice se livre à une introspection du personnage le plus jeune dans son processus de culpabilisation quasi incontrôlable. Une idée brillante, que vient construire un progressif isolement, tissé de rumeurs et de peur, pour nous mener vers un final aussi plausible que terrifiant.

Étrangement, "Night Moves" semble trouver ses limites dans l'interprétation de Jesse Eisenberg ("The Social Network", "Insaisissables"). Certes débarrassé de la facette prétentieuse ou condescendante de ses rôles précédents, le jeune acteur apporte à la fois un côté impénétrable et par là même inquiétant, mais son évidente absence d'un registre de jeu étendu fait que sa névrose grandissante ne semble pas l'emporter assez loin pour être suffisamment angoissant. Dommage.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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