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NEPTUNE FROST

Un film cyber-afro-queer indigeste

Ayant fui la mine de coltan où il était exploité, Matalusa rencontre Neptune, hacker intersexe. Ils sont réfugiés dans une zone pirate où sont entreposés et recyclés des déchets électroniques. Une communauté y vit dans l’espoir de renverser le régime autoritaire qui contrôle la région…

Neptune Frost film movie

Les cinéphiles connaissent peut-être Saul Williams pour avoir joué le personnage principal de "Slam" de Marc Levin, Caméra d’or au Festival de Cannes en 1998. La co-réalisatrice du film, la Franco-Rwandaise Anisia Uzeyman, est une actrice et autrice un peu touche-à-tout, que l’on a par exemple pu voir dans "Nid de guêpes" en 2002 et qui a réalisé en 2016 un premier film méconnu intitulé "Dreamstates", dans lequel Saul Williams a joué à ses côtés.

Les présentations étant faites, que peut-on attendre de ce duo apparemment avide de créativité transversale ? Quoique sympathique et occasionnellement ensorcelant, leur "Neptune Frost" est une œuvre désordonnée, quelque part entre une rêverie poétique vaguement new age, un film musical hip-hop à la structure opaque, une performance artistique aléatoire et un plaidoyer inclusif à la fois panafricain et queer (avec un personnage intersexe interprété par deux personnes différentes pour corser le tout), tout cela sur fond de transhumanisme mystico-altermondialiste !

Vous n’avez rien compris à cette description fourre-tout ? C’est possible mais c’est à l’image de cet objet filmique bizarre qui part dans tous les sens, au point d’être tantôt d’une naïveté kistch et affligeante, tantôt d’une prétention élitiste volontairement obscure.

« Ma vérité est cryptée », dit un des personnages. Le film semble l’être au moins durant son incompréhensible première moitié, avant de basculer dans un discours plus explicite et politiquement niais, vomissant (à raison mais de manière très stéréotypée) sur la domination occidentale, sur les dérives du capitalisme ou encore sur les dictatures qui gangrènent l’Afrique.

Ésotérique ou candide selon les scènes, "Neptune Frost" aurait sans doute mérité d’être un court ou moyen métrage présenté dans une exposition d’art contemporain. Il y aurait trouvé sa place auprès d’un public mondain assoiffé d’auto-flagellation sans remise en cause profonde. Après tout, le film est lui aussi contradictoire, notamment dans son rapport amour/haine avec les technologies. On aurait pourtant voulu apprécier et soutenir ce genre de projet, notamment car il met en avant des artistes africains méconnus en Europe (comme les artistes rwandais Binghi et 1Key ou le rappeur burundais Katya Free), mais on a le sentiment d’être pris pour un pigeon.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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