Festival Que du feu 2024 encart

THE NEON DEMON

Le monde de la mode, cet univers impitoyable et dévorant

Jesse débarque à Los Angeles pour faire carrière dans le mannequinat. Sa beauté naturelle lui vaut d’être immédiatement remarquée. Mais les jalousies à son égard se font de plus en plus violentes…

Cinq années après "Drive", Nicolas Winding Refn retrouve Los Angeles, son faste et son clinquant. Entre temps, le cinéaste danois a affronté les critiques face à son "Only God Forgives", majoritairement rejeté par la presse et le public. "The Neon Demon" commence comme un conte où une jeune orpheline frêle et fragile débarque dans une grande ville pour réaliser ses rêves. Cette adolescente, c’est Jesse, à peine dix huit ans et déjà une beauté incandescente. Son visage angélique et sa peau de bébé lui valent tous les regards dans le monde de la mode qu’elle essaye de pénétrer. Mais si les projecteurs se braquent rapidement sur elle, ces honneurs sont également accompagnés de jalousies de moins en moins feintes.

Satire narcissique et fantasmagorique sur la frivolité de notre époque soumise au diktat de la perfection, "The Neon Demon" est une incroyable plongée gothique au cœur des méandres de l’univers du mannequinat. Sophistiqué et éblouissant, ce thriller au formalisme esthétisant permet à son auteur de poursuivre son exploration de l’image comme refuge de ses obsessions. Le métrage se veut alors une déambulation envoûtante au sein d’une imagerie rutilante où le spectateur comme les protagonistes flottent sur les airs électro de Cliff Martinez. Alors qu’on craignait de devoir subir un film publicitaire, froid et sans âme, le réalisateur use de ces codes pour transcender son propos et offrir un voyage étonnant où l’on croise aussi bien des faces patibulaires que des mannequins interchangeables.

Et derrière ce flamboyant écrin, se cache un fond pamphlétaire, une critique acerbe de la veine quête de beauté absolue tout comme le spectre de la jalousie qui dévore tout. Entre les lumières saccadées et les stroboscopes, une figure ressort également du film, celle d’Elle Fanning. Si elle apparaissait comme le choix évident pour ce rôle de sylphide juvénile, elle parvient à dégager une aura magnétique, entre candeur et pureté, qui impressionne. Dans une sobriété contrastant avec l’excentricité de la mise en scène, la comédienne constitue le pilier nécessaire à la réussite de l’ensemble, le scénario reposant en grande partie sur ses chétives épaules.

Néanmoins, ce trip sanguinolent et sensuel perd quelque peu de sa force lorsque le réalisateur cherche à expliciter son propos (en particulier dans un final semblable à un vulgaire giallo). À l’image de la séquence de la transformation du personnage de Jesse d’enfant à femme, incroyable d’érotisme et d’intelligence visuelle, les hallucinations léchées de "The Neon Demon" se suffisent à elles-mêmes. Un simple rideau, et le passage à l’âge adulte est symbolisé. Et le film de n’être jamais meilleur que lorsque la forme embrasse les non-dits d’une œuvre volontairement ténébreuse. Malgré ce final moins passionnant, cette nouvelle fresque fascinée et fascinante de Nicolas Winding Refn est une claque esthétique et une démonstration captivante de son talent. À ne pas rater donc.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire