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NEGATIVE NUMBERS

Un film de Uta Beria

Pas si « negative » le « numbers » finalement

Nikka est un jeune homme vivant dans un centre de détention pour mineurs situé en Géorgie au début des années 2000. Ayant pris le blâme à la place de son frère, le jeune homme atteint rapidement un statut de meneur au sein du centre et impose le respect. Tout ce quotidien fait d’altercations, de remises en questions et de tensions, se voit mis à mal par l’arrivée d’un programme de rugby. Reste à savoir si ces jeunes en perditions seront prêt à partager le même terrain…

Negative Numbers film movie

Nota : Le film qui va suivre est tiré d’événements réels.

Voilà un sujet finalement peu traité dans le cinéma contemporain ; les centres de détentions pour mineurs. L'auteur et réalisateur, Uta Beria, dont c'est le premier long métrage, décide d'ancrer son film dans le réel en s’établissant à Tbilissi en Géorgie, pays proche de l'Arménie, au centre pénitencier originel de la ville. On suivra alors majoritairement Nikka et sa bande dans leur quotidien fait de racket, de console vidéo et de bouillie à midi. Ce qui saisit au premier abord, c'est cette immersion dans cette prison pour jeunes. Rien ne paraît toc ou artificiel et les cadrages caméra embarquée renforcent cette illusion du réel.

Le film a l'intelligence de ne pas souligner la véracité des événements retranscrits, ce qui l’aide justement à rendre la situation palpable de façon naturelle. C'est bien simple, on a jamais l'impression d'avoir une troupe de jeunes acteurs face à nous, mais bel et bien les prisonniers authentiques. Le tournage en décor réel ne fait que renforcer cette sensation. Chaque chambre délabrée, chaque couloir respire l'Histoire et le temps passé. On notera par contre une utilisation de la musique un peu trop omniprésente malgré des touches aériennes ou électroniques. Il n'y avait clairement pas besoin d'expliciter encore plus les choses ou de nous prendre par la main vis-à-vis de notre ressenti.

On a malheureusement un récit qui a du mal à démarrer, l'exposition semblant ne plus finir, ceci avant d'inclure les deux éléments perturbateurs qui feront décoller l'histoire ainsi que les vrais thématiques du film. L'un est un drame tragique qui n'est que la conséquence d'un système qui n'a plus de sens et qui broie tous ceux qui s'en approchent. Nikka dira même à un de ses camarades que dans tous les cas, même si tu tiens ta ligne bien droite, « tu finiras par te faire baiser quand même ». Et c'est bien là, la grande idée du film, renforcée par ce décor fait de placos blancs et de murs effrités. Tout n'est qu’enfermement : nous ne verrons jamais le monde extérieur, bon point pour souligner l'isolement et le côté miroir de ce microcosme.

On se rend compte finalement que tous ces hommes, grands comme petits, bambins ou adultes, ne sont que des enfants qui gèrent les choses comme si ils étaient encore au bac à sable à se disputer leurs jouets. L'image du garde du centre en est la preuve ultime. Il est censé faire régner l'ordre mais ne pense qu'à créer le chaos et la zizanie. Pire, il ira jusqu'à même jouer au même « jeu » qu'eux, avec leur quête de petit pouvoir de petits hommes. Il n'a rien de la figure d'autorité, au contraire il prend un air enfantin presque apeuré lorsque son directeur le gronde. Le côté systémique d'une société d'hommes, régie par des hommes, où aucun finalement n'est véritablement assez mature nous fait comprendre pourquoi tout s'écroule.

L'élément sportif amené via le rugby arrive de façon ponctuelle sans en faire trop. Juste assez pour nous montrer ce qu'on sait déjà : le sport d'équipe est bénéfique pour l'estime de soi, le vivre ensemble et pour extérioriser. C'est sur ce dernier point que le film trouve des moments d'émotions pures et sans fioritures. Qu'un personnage du nom de Mate fasse placage sur placage résonne en nous comme ces êtres qui s’évertuent toute leur vie à casser les murs d'une société aux fraises où l'incompréhension va jusqu'à pénétrer la religion. Aucun cadre établi par ces petits hommes n'est finalement juste (milieu familial, carcéral ou religieux). Le film ne nous incite pas à plaindre ces jeunes hommes, ne joue pas sur notre corde sensible, mais cherche à révéler à nos yeux de spectateurs ce qui coince dans les rouages du monde. Pour un premier film, dont le metteur en scène était aussi au scénario, on ne peut qu'applaudir face à une écriture intelligente. Le rythme hélas se fait sentir sur la dernière partie et on attend Uta Beria au tournant pour ses prochains films, car nous voyons ici la naissance d'un joueur prometteur.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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