Festival Que du feu 2024 encart

NAPOLÉON

Un film de Ridley Scott

La marche manquée de l’Empereur

De jeune militaire ambitieux à empereur, la vie de Napoléon Bonaparte est connue de tous. Mais dans l’ombre, il entretient une relation tumultueuse avec Joséphine. Au point d’altérer son discernement ?…

Napoléon film movie

Il est peu dire que la figure de Napoléon a toujours hanté Ridley Scott. Son premier film, "Les Duellistes", s’intéressait déjà à des lieutenants de son armée tandis que le cinéaste octogénaire lui-même adore raconter en interview à quel point il est fasciné par l’Empereur français. Alors, forcément, voir le réalisateur d’"Alien" et "Blade Runner" concrétiser son projet, laissait espérer une grande fresque épique, façon "Kingdom of Heaven", tout en rajoutant de l’intime dans son intrigue, comme il aime tant le faire ("Gladiator" et "Le Dernier Duel" peuvent en témoigner). Ne laissons aucun suspense : le pari est complètement raté.

Le problème ne se situe pas dans les libertés historiques prises par souci narratif. Le prologue qui imagine le jeune Bonaparte assister à la décapitation de Marie-Antoinette pose immédiatement les fondations de l’œuvre : nous sommes dans un récit, un vrai, où il est plus important de saisir l’esprit que les faits. Mais pouvait-il en être autrement lorsque, pendant près de trois heures, tous les Français parlent anglais, et lorsque le futur monarque est joué dans sa vingtaine par un acteur américain du double de son âge ? « La vérité historique est souvent une fable convenue » comme le disait le protagoniste, alors autant jouer avec cette véracité. Cela aurait pu donner une relecture électrisante du mythe. Les spectateurs devront se contenter d’une chronique empantouflée construite autour d’une relation épistolaire aux mots bien trop sirupeux.

En tant que Britannique, Ridley Scott avait forcément une image différente de celle éduquée de ce côté de la Manche. Et on le comprend très vite, son « héros » sera grossier, violent, caricatural, plus proche de l’enfant immature et du pervers narcissique que du grand guerrier. Pourquoi pas, mais encore faut-il adjoindre à ce postulat un point de vue, une âme qui permettrait de métamorphoser ces batailles interminables en des ballets homériques. Coupé avec un hachoir, le métrage dans sa forme cinématographique ne semble être qu’un brouillon de la version initiale, plus longue (on parle de 1h20 de plus), destinée à Apple TV+. Terriblement mécanique, le biopic ne se construit que sur une seule logique : alterner entre la bluette tumultueuse vécue avec Joséphine et des séquences de champ de bataille, où les hommes sont réduits à de la chair à canon.

Au-delà de ce montage beaucoup trop elliptique, où les personnages secondaires disparaissent comme ils arrivent, en quelques minutes, le film pâtit de n’être pensé que comme un portrait au vitriol, délaissant toute contextualisation historique pour des raccourcis questionnables, notamment sur la position de juge de paix de l’Angleterre. Les historiens ne cessant de se quereller sur la personnalité du natif d’Ajaccio, on ne pouvait attendre de ce drame d’époque qu’il entérine une quelconque exactitude. Par contre, nous étions en droit, en tant que cinéphiles, d’espérer autre chose qu’une vulgaire romance tordue, à la palette chromatique limitée au gris et au sépia, et où chaque saynète pue la naphtaline. Comme si, perdu par sa propre obsession, Ridley Scott avait oublié le b.a.-ba de sa mise en scène, reproduisant à l’identique le moindre costume (bravo à sa fidèle collaboratrice Janty Yates) mais abandonnant tout sens du rythme et de la dramaturgie. Quand même Joaquin Phoenix se met à cabotiner, c’est qu’il n’y a plus grand-chose à sauver…

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire