NAKED OPERA
Un manque de fil conducteur
En s’intéressant à Marc Rollinger, la cinéaste Angela Christlieb disposait d’une incroyable matière première. En effet, ce riche bruxellois, cynique, narcissique et égocentrique, constitue un excellent levier cinématographique, tant par son humour grinçant que par le contenu de sa vie. Atteint d’une grave maladie depuis le plus jeune âge, il a décidé de vivre dans la luxure et la décadence pour oublier ces maux qui lui obscurcissent le quotidien. Car s’il a vécu la maladie, il sait que ce combat n’a pas laissé son organisme indemne. Pour oublier, il s’amuse à parcourir les capitales européennes à la découverte des représentations de Don Giovanni, son opéra préféré.
Entrecoupé de passages musicaux (des extraits de Don Giovanni, la version réalisée par Joseph Losey), le documentaire flirte grandement avec la fiction, notamment par une mise en scène stylisée omniprésente, aux métaphores bibliques non dissimulées, et par des dialogues qui semblent bien souvent être travaillés. Les frontières du réel sont en permanence brouillées, l’œil de la cinéaste nous baladant entre les songes et les fantasmes de Rollinger, et la réalité. Il s’agit alors pour la réalisatrice de capter les sentiments d’un homme dont la solitude a remplacé la maladie, son mépris et son dégoût pour toutes les choses ordinaires lui empêchant de sympathiser avec le monde. Et malheureusement, le coté antipathique donné au bourgeois bruxellois finit par agacer, d’autant plus que la caméra s’attarde lourdement sur cet aspect.
Cependant, le véritable problème du long-métrage est le manque de fil conducteur. En effet, on a du mal à percevoir où la réalisatrice cherche à nous emmener. Balançant entre le portrait réaliste d’un homme qui a choisi l’opulence et l’image fantasmée de ses jouissances, le documentaire manque cruellement de point de vue. Le comportement sexuel débridé du principal intéressé, celui-ci étant un fidèle des services d’escort-boys, fait sourire mais n’apporte pas de plus-value à l’ensemble. Car si des thèmes comme l’argent, la sexualité ou la foi sont explicites à l’image, ils ne sont, pour autant, jamais traités frontalement par la réalisatrice. En refusant de dépasser le cadre strict de sa caméra et d'universaliser les propos, souvent intéressants, de son protagoniste principal, Angela Christlieb a condamné son projet à la pastille anecdotique.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur