N'AIE PAS PEUR
Faire face à la figure du père
Le film s'ouvre sur un écran noir, une voie de psychologue s'adressant au personnage principal, la jeune Sylvia, devenue adulte. On devine rapidement une séance d'hypnose. Puis les premières images apparaissent, offrant tout d'abord la vision d'une enfance heureuse, entourée des deux parents, lors d'une promenade dans un parc. Les gestes de complicité sont là, les rires aussi. Puis viennent des bribes d'une vie de gamine, le père se faisant très présent, jusqu'à des gestes hors champ, alors que la petite reste immobile sur un canapé, seuls des bruits de souffle se laissent entendre. À partir de là, le sourire effacé de son visage, la petite entrera dans un renfermement progressif, le scénario nous livrant simplement deux dernières scènes, cruelles, avant de se plonger dans l'âge adulte : surprise par sa mère en train de mimer des gestes obscènes avec des poupées, puis s'éveillant en sueur après un cauchemar, la gamine est incapable d'avouer l'inavouable.
Assez pudique sur le fond, « N'aie pas peur » est malheureusement assez maladroit sur la forme. Le film est en effet entrecoupé de scènes de psychothérapie de groupe, ou agrégats d'entretiens un à un, d'adultes qui racontent leurs expériences et leurs souffrances, toutes liées à des abus sexuels dans leur jeunesse. Une mauvaise idée qui transforme le film en démonstration didactique, n'offrant du coup aucune respiration au sein d'un récit fondamentalement accablant. Au-delà de la dénonciation des gestes, le film est surtout un plaidoyer à charge contre l'attitude d'une mère aveugle, et l'incapacité des proches à écouter réellement. Il constitue en filigrane un portrait tout aussi effacé que son sujet, montrant tout de même l'incapacité à se rebeller contre la figure d'autorité, la nécessité d'affronter son bourreau pour pouvoir vivre, tout comme ceux qui ont volontairement ou non fermé les yeux.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur