MULAN
"Mulan", un remake malin ruiné par sa fin
De nombreuses légendes sont nées autour de Hua Mulan… Comptée par la voix de son père, l’histoire de la fille qui a pris l’armure et l’épée pour protéger l’empereur, est de retour…
Sortie le 04 décembre 2020 sur Disney+
D’abord prévu en salle, puis finalement sorti sur la plateforme Disney+, ce nouveau remake d'un des grands classiques de Disney, en live action, ne semblait pas très prometteur. Pourtant, même sur petit écran, "Mulan" en met plein les yeux. Ce remake a l’intelligence de ne pas copier le film originel. En effet, il propose une nouvelle histoire, où les éléments du film de 1988 fonctionnent comme des échos. Loin de "Mulan" l’idée de suivre à la lettre un modèle sans en dévier, idée sclérosante qui aurait dénué le film de toute créativité, comme ça avait été le cas pour "Le Roi Lion" et "Le livre de la Jungle". Ne vous attendez donc pas à retrouver des chansons, ou même l’épreuve du grimpé au poteau.
Ce nouveau "Mulan" conserve la structure globale du film de 1998 : une jeune fille prend les armes de son père trop vieux pour aller à la guerre, se forme dans un camp, se bat contre une armée d’envahisseurs et va ensuite tout faire pour sauver l’empereur, après que son secret ait été dévoilé. L’innovation vient du côté des personnages. En effet, pour se départir d’un « love interest », le personnage de Shang est divisé en plusieurs hommes, d’une part le Commandant Tung et d'autre part Honghui. Vous ne serez cependant pas perdu, car le reste de l'équipe de bras cassés est de retour, avec un petit ajout et une disparition : Criket est désormais un humain, et Mushu est évacué, remplacé par le phénix en CGI (images de synthèse) qui guide et protège Mulan dans son périple. Le personnage de Shan-Yu, le guerrier de la montagne, revit sous les traits de Jason Scott Lee et devient Böri Khan, un guerrier venu venger son père assassiné par l’empereur. Mais surtout, l’un des changements les plus pertinents est le réinvestissement du faucon de Shan-Yu. Cette créature, dans cette nouvelle version, devient une sorcière très puissante qui œuvre au côté de Böri Khan, car celui-ci lui promet une place dans le nouvel ordre qu’il entend créer.
L’autre innovation vient des relations entre les personnages, plus complexes et peut-être plus adultes que dans le film d’animation. Le père de Mulan éprouve des sentiments très ambivalents pour sa fille, dont il sait qu’il brime le potentiel en lui disant que le seul honneur qu’elle peut apporter à sa famille est celui de se marier. Honghui est blessé que Mulan ne se confie pas à lui et ne lui fasse pas confiance alors qu’ils combattent ensemble. Même la relation entre Xianniang et Böri Khan est riche, car elle repose sur une dépendance mutuelle et l’exploitation des faiblesses de l’autre. Enfin, le personnage de Xianniang, dans sa relation avec Mulan, par le miroir qu’elle lui tend, est à la fois l’une des plus grandes réussites et l’un des plus grands échecs du film, car les horizons d’attente posés par cette relation et leur confrontation ne sont pas du tout résolus.
L’autre grand échec du film, qui participe du point évoqué plus haut, est un désintérêt profond de la mise en scène pour les combats finaux. Si le film s’inspire tantôt du cinéma de Tsui Hark et de ses "Detective Dee", pour la mise en scène de la cour et l’utilisation des effets spéciaux dans les combats, elle va chercher aussi du côté de la wuxia et des films de sabres magiques chinois. Pourtant, le combat final, l’apothéose de l’héroïne qui s’est entraînée pendant tout le film, est nettement moins impressionnant que des scènes sur les champs de bataille. À se demander pourquoi avoir casté quelqu’un comme Jet Li pour ne lui faire porter qu’un costume, que pas même un coup de poing viendra froisser.
Pour conclure, par le personnage de Donnie Yen et le traitement qui est fait du Chi, qui « fort chez Mulan », Disney semble confondre ses différentes mythologies. En reprenant une structure du héros très proche de la Prélogie de Star Wars, et en utilisant le Chi comme une énergie magique très proche de la force, qui peut-être troublée par un héros qui est en désaccord avec lui-même, Disney semble appliquer une formule qui a fait ses preuves et imposer un nouveau carcan sur une œuvre presque originale qui aurait pu s’en passer.
"Mulan" n’est pas un mauvais spectacle, ni un mauvais moment, et une fois dépassés les Chinois qui parlent en anglais, vous pourrez peut-être même avoir de vrais moments de plaisir visuel, tant les décors naturels sont somptueux et les costumes travaillés. Vous pourrez même apprécier des scènes de batailles et de cascades où la multiplication des figurants cherche à tutoyer "Ran". Mais l’apothéose promise par le film, ne viendra hélas pas, et la fin, moralisatrice et conservatrice, risque peut-être un peu de vous déranger.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur