LA MOUSTACHE
Le vent du changement
Marc (Vincent Lindon) décide un beau jour de se raser la moustache, pour faire plaisir à sa femme (Emmanuelle Devos) qui ne l’a jamais vu sans. Mais celle-ci ne remarque rien, tout comme les amis chez lesquels ils sont invités à dîner. Persuadé qu’elle lui fait une blague, puis excédé, il finit par provoquer une discussion sur le sujet, au cours de laquelle elle lui affirme qu’il n’a jamais eu de moustache…
Emmanuelle Carrère lui-même n’est pas sûr du sujet de son film. Il affirme ne pas détenir les clés de cette histoire à la base simple, qui rappelle d’ailleurs une nouvelle de Rosemarie Di Salvo datant de 1982. On se dit que cela cause de changement et de frustration. Mais aussi de paranoïa et d’affirmation de sa différence. Il faut dire que Carrère pousse le principe de la dénégation très loin, jusqu’aux bords du phénomène psychiatrique. Le voyage à Hong Kong est une volontaire perte de soi, rendue nécessaire par le fait que les autres vous rendent étranger.
Sur le ton de la bizarrerie, il installe une ambiance de plus en plus pesante, grâce à des détails alimentant la paranoïa du personnage et semant le doute chez le spectateur, comme par exemple les photos de Bali. Certains trouveront la pirouette finale un peu facile, mais elle n’explique peu de choses, même pour qui y adhère. Vincent Lindon est donc la victime de cette amusante réflexion sur des retrouvailles peu probables avec soi-même, comme un grand nettoyage de printemps nécessaire à un stade de la vie. Il n’a jamais été aussi subtil dans son jeu, et donne au film un troublant parfum de perdition.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur