LA MONTAGNE MAGIQUE
Un foisonnement de techniques pour un destin hors normes
Un homme raconte ses règles de survie à sa fille. Avant de nous conter son incroyable destin d’immigré polonais, alpiniste, bien décidé à prendre fait et cause pour le peuple afghan, face à l’envahisseur russe…
Étrange mélange que cette production animée, proposant un essai formel, en forme de biographie documentaire. Loin de la cohérence formelle d'un « Valse avec Bachir », le film n'en intrigue pas moins, par ses tentatives de signifier le tourbillon d'une vie engagée, par une multitude de techniques d'animation. « La montagne magique » propose ainsi dans un premier temps un portrait complexe d'un homme au destin pas moins riche, Adam Jacek Winker, Polonais ayant fui son pays pour la France dans les années 60, avant de s'engager aux côté du commandant Massoud en Afghanistan dans les années 80.
Sa délivrance à sa fille, en voix-off, de règles de survie à la sage simplicité (« aller de l'avant », « avoir de la chance », « Savoir ce qu'on veut », « savoir prendre une décision importante »...) permet de faire le lien entre des épisodes fondamentaux de sa vie. Alors que l'animation s'emballe, enchaînant les événements et imposant un rythme soutenu, en mêlant papier froissé pour la cartographie, dessin sur verre, carton découpé, dessin au crayon, images projetées sur du carton, têtes de statues jetées, ombres pointillistes... Autant de techniques, qui dans un premier temps apparaissent certes déstabilisantes, mais traduisent la richesse d'un parcours, avant que la vie ne prenne un sens, politique.
Et c'est avec l'arrivée de la guerre en Afghanistan (1979), que les choses s'assagissent, donnant lieu à des scènes travaillées sur la longueur, où les hommes prennent de la substance, personnages en reliefs réalisés en images de synthèses, alliés à des collages traduisant une certaine texture, avant de donner dans un animation plus traditionnelle pour la poussière ou les paysages. Si le destin de cet homme, décédé en 2002, interpelle, c'est à la fois qu'il conte un engagement pour une cause, mais qu'il renvoie aussi aux élans de ceux qui partent aujourd'hui en Syrie. Le film créé ainsi la réflexion sur les limites d'un engagement noble, rêvé comme chevaleresque. Se terminant sur un extrait d'interview de son personnage principal, on en retiendra visuellement deux magnifiques scènes : celle de la marche de nuit (aux traits de contours surlignés de blanc) et celle de la veillée d'un blessé, aux troublantes transparences.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur