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MONSIEUR AZNAVOUR

Le chemin tumultueux et acharné vers le haut de l’affiche

Alors qu’il est sans le sou, le jeune Charles rêve de devenir chanteur. Mais avec sa voix voilée et son physique assez éloigné des diktats de la beauté, la route semble plus qu’obstruée. Mais c’était sans compter sur l’acharnement de l’artiste, prêt à tout pour être sur le devant de la scène…

Les plus jeunes auront probablement du mal à le croire, mais il existe une époque où Charles Aznavour n’était pas en haut de l’affiche. Avec sa voix voilée et son physique éloigné du blond musclé, nombreux sont d’ailleurs ceux lui ayant rabâché que vouloir faire carrière était une vulgaire utopie, une chimère pour laquelle il se tuerait à la tâche sans jamais y parvenir. Petit-fils d’immigrés arméniens, le jeune garçon grandit dans la capitale française, entouré d’une famille aimante où l’on compense le manque d’argent par une joie de vivre qui se traduit fréquemment en danses et chansons. Dans ce Paris sépia où l’on s’égosille pour oublier la misère, l’adolescent va devenir un homme au moment où la guerre s’abat sur l’Europe. Terminées les soirées festives dans le restaurant familial, mais pas fini le théâtre pour celui arrivé sur la scène par hasard. Tout comme sa rencontre avec Pierre Roche, pianiste et compositeur, qui va l’initier à l’écriture de paroles. Débutée comme un passe-temps pour arrondir les fins de mois, voire même gagner plus qu’il ne pouvait à l’époque le rêver, la pratique va se transformer en une obsession pour l’artiste, qui signera plus de 1 200 morceaux durant sa carrière.

Biopic chapitré, le film nous raconte en plusieurs étapes l’ascension de cet immense interprète, connu dans le monde entier et érigé en fierté nationale. Des petites scènes aux énormes salles new-yorkaises, des salaires fixes d’un club québécois aux cachets plus importants que ceux de Frank Sinatra, la caméra nous invite à revivre ce parcours hors-du-commun sur plusieurs décennies. Si l’hommage est appuyé et assumé, l’ensemble ne tourne pourtant pas à l’hagiographie, la part d’ombre du protagoniste n’étant point occultée. Incapable d’aimer et d’apprécier le présent, Aznavour est un personnage romanesque, éternel insatisfait, terrifié d’être oublié, obnubilé par l’idée de prouver, jusqu’à en délaisser ses proches et sa famille. Esseulé dans une prison dorée, comme pouvait l’être le "Elvis" de Baz Luhrmann, il multipliera alors les textes pour noyer ses chagrins, raconter en mélodie ce qu’il n’a jamais pu conter dans l’intime.

Si l’exercice du biopic est souvent très périlleux, Mehdi Idir et Grand Corps Malade appliquent parfaitement le cahier des charges grâce à un divertissement réussi, où l’on prend plaisir à entendre tous ces tubes et à croiser de nombreuses célébrités de l’époque (mention spéciale à Marie-Julie Baup sous les traits d’Edith Piaf). Mais si le duo de cinéastes nous avait habitué à une mise en scène inspirée ("Patients", "La Vie scolaire"), il faudra ici se contenter du strict minimum, les deux préférant s’effacer devant leur sujet, et laissant briller Tahar Rahim dans le rôle-titre. Peut-être un peu trop… Car si on ne peut pas reprocher au comédien un investissement total, le numéro vire trop au mimétisme, installant un mur de verre avec le public, spectateur d’une prestation qui, à chaque instant, nous rappelle que nous sommes face à une performance d’acteur. Si ces quelques fausses notes empêchent le métrage de prendre pleinement son envol, la destinée de ce gamin des rues mué en être avide de gloire, jusqu’à réussir au-delà de toute espérance, mérite largement le détour par les salles de cinéma, avant de s’en donner à cœur joie sur Spotify.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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